Compte-rendu
de Vingt-Cinq Poèmes de
Tristan Tzara
par J. Perez-Jorba
La structure lyrique de ce volume groupe les
éléments les plus lointains voire les plus inconciliables entre les tempes et
l'aorte du poète celui-ci tenant à vrai dire le rôle d'un charmeur de serpent
vis-à-vis de l'art poétique d'avant-garde. Ces poèmes vous jettent à pleine
main de l'inconnue beauté dans les yeux et vous bouchent les oreilles d'un
tintement ensoleillé. Ils montrent en se déshabillant cette qualité précieuse
entre toutes et rarissime : la structure lyrique, nous l'avons dit. Cette unité
non apparente mais secrète triomphe notamment du dynamisme à outrance et du
futurisme où le poète a lancé tous les éclairs de sa sub-conscience. Tzara est
doué de la faculté nécessaire à l'élaboration de l'art nouveau, voilà le fait.
Et ce n'est pas tout. Il a eu vraiment la chance l'extraordinaire chance d'être
né poète il en porte le signe étoilé sur son front. Ses paroles sont comme des
réverbérations lunaires ses vers sont comme des plantes marines qul que soit le
sujet dont ils s'inspirent. Ils procurent la sacro-sainte l'insondable joie de
l'émotion sur une toujours inédite vision de beauté. D'autre part ces poèmes se
déroulent symphoniquement accompagnés du son d'un gong oriental ; l'ouïe finit
par en être charmée et l'âme du lecteur compréhensif aussi. De l'accouplement
des objets ou de leur simple énumération naît dans ces poèmes une image vivante
vibrante prenante ensorcelante. Cela tombe souvent il est vrai dans la
désarticulation grammaticale mais faite avec art. Quelques fautes de français
aussi. Les images au demeurant se succèdent avec une multitude tellement
abondante avec une rapidité tellement vertigineuse qu'on les dirait portées sur
le ruban d'un appareil Morse. Tzara est l'un des rares poètes nouveaux qui
aient le don du rythme et qui manient celui-ci avec dextérité ; le rythme se
développe chez lui du commencement à la fin sans d'autres arrêts que ceux
permettant de prendre haleine. En résumé on peut tenir le livre de Tzara comme
une construction d'aile dont les poèmes pris isolément, tiennent lieu de
colonnes en spirale. Ces poèmes cèlent d'ailleurs dans leur intérieur un style
poétique bien à eux.
Les bois de Arp sont très remarquables par leur
vivante assimilation des polypes des calamares et des crabes à des gestes
humains et à des figures humaines.
SIC. mars 1918