Raoul Hausmann6 rue Neuve Saint-Étienne 87 Limoges / Haute-Vienne
le 24 mars 1963
J’écris un livre sur le Néodadaïsme, cette exploitation sans vergogne d’une situation qui était actuelle il y a 40 ans. Évidemment, j’ai dû me mettre en relation avec M. Kunzelmann du mouvement SPUR, qui m’a confirmé que ce mouvement a des liens avec DADA. Alors, je me suis procuré deux numéros de l’Internationale Situationniste, et dans le no 5 j’ai trouvé une citation d’une lettre de Schwitters à moi, datant de 1947, où il fait allusion au lettrisme, qui n’est pas autre chose qu’une imposture. Si Isidore Isou prétend être le premier à avoir fait des poèmes lettristes, qu’il prenne connaissance des récits de Ball dans son Journal de 1916 et des déclarations de Schwitters dans G de 1923. Quant à M. Lemaître, il a publié dans UR de 1947, un dessin qu’il a simplement calqué sur un dessin d’un Indien nord-américain, publié en 1912 dans le livre de Danzel Les Origines de l’Écriture (Anfänge der Schrift) que je possède. Toute la peinture des Lettristes n’est qu’une imitation de mes Poèmes-Affiches et Tableaux-Écritures de 1918 à 1923.
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Guy Debord à Raoul Hausmann
Paris, le 31 mars 1963
Monsieur,
En réponse à votre lettre du 24 mars, je vous envoie aujourd’hui une collection de la revue Internationale Situationniste. Je crois que nous y avons expliqué notre position à l’égard du dadaïsme et de son imitation réactionnaire d’aujourd’hui, principalement dans le numéro 2, pages 6-7-8 ; dans le numéro 6, pages 12 et 13 ; dans le numéro 7, pages 20 à 23 ; dans le numéro 8, page 11 — ce relevé n’étant pas limitatif.
Pour résumer, nous caractérisons le dadaïsme comme le moment révolutionnaire qui domine la culture de l’époque (et qui, en dépit de ses motivations négatives, a apporté une masse d’innovations dont s’est abondamment servi ce qui s’appelle actuellement l’art moderne). Au contraire, tout néo-dadaïsme se trouve être maintenant une reprise — plus ou moins dissimulée en paroles — de l’allure formelle du dadaïsme assorti d’une idéologie, d’une «justification» qui sont toujours réactionnaires (en jouant ouvertement sur ce fonds réactionnaire, comme Mathieu ; ou en l’enveloppant de quelque brume, comme plusieurs des «nouveaux réalistes»).
Le cas de Spur est plus ambigu. Quelque temps liés au mouvement situationniste, mais jamais réellement intégrés, les spuristes n’ont à vrai dire jamais suffisamment dépassé l’état d’ignorance qui est solidement organisé dans l’Allemagne actuelle à propos de tous les mouvements culturels ou politiques d’avant-garde antérieurs à 1933. Une part de l’aspect dadaïste de Spur était sûrement une façon — innocente, ignorante — de renouer avec une certaine violence (insuffisante, à notre avis), plutôt qu’une exploitation délibérée du néo-dadaïsme. Dans leur activité présente, et à venir, je ne sais jusqu’à quel point cette petite violence même peut se survivre.
Situationist Times, c’est seulement un titre pris au mouvement situationniste, pour faire les pires sottises publicitaires. Parmi les responsables, hormis un qui a été avec nous quelque temps, il n’y a que des gens que nous n’avons même jamais voulu rencontrer. Noël Arnaud est évidemment du nombre. À propos des références de votre lettre concernant le lettrisme (sur les points précis que vous citez, j’admets votre jugement), peut-être est-il bon de vous signaler que la revue Ur, à ma connaissance, a paru en 1951 et non en 1947 ?
«Situationnisme», nous n’en voulons pas, nous rejetons explicitement le mot, nous nous refusons à la doctrine. Nous avons voulu définir — commencer à expérimenter, autant que possible — une activité pratique situationniste. Au sens : créant des situations ; des moments si l’on veut dire autrement. Des environnements et des actes, en interaction. Vous êtes bien sévère pour le concept de situation, puisque vous trouvez toute situation pénible et insignifiante. On peut répondre : les situations dans la vie se présentent «spontanément», automatiquement comme cela, le plus souvent. Pas toujours : certaines peuvent nous plaire. Si on les construisait librement, elles seraient sans doute moins insignifiantes. C’est à essayer. Nous sommes en tout cas en complète rupture avec toute l’avant-garde officielle et reconnue qui s’est fait connaître depuis la guerre.
Veuillez accepter mes salutations distinguées. Et aussi, quel que puisse être votre jugement sur l’I.S., veuillez croire à toute mon estime pour votre Courrier Dada, et la grande époque dont il traite.
Guy Debord
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Raoul Hausmann à Guy Debord
Raoul Hausmann6 rue Neuve Saint-Étienne 87 Limoges / Haute-Vienne
le 5 avril 1963
Cher Monsieur,
J’ai reçu hier les 8 numéros de votre revue I.S.
Je vous en remercie, ainsi que de votre si gentille et si sérieuse lettre du 31 mars, qui se distingue si favorablement des lettres de M. Kunzelmann, qui se moque du Dadaisme — sans le connaître — et qui m’insulte personnellement — sans rien savoir de moi.
À cause du Dadaisme, permettez-moi quelques remarques : le monde paraissait inébranlable et assuré pour toujours, lorsqu’éclata la guerre de 1914. Ensuite survint la Révolution russe et la chute de l’Empire allemand (car le changement de régime en Allemagne n’était pas une révolution).
Alors que Dada en Suisse était une émeute esthétique (voir le Journal de Hugo Ball), la reprise de Dada à Berlin en 1918 était fondée sur des conflits humains et sur des expériences psychologiques, que nous avons définis dans notre revue Die Freie Strasse de tendance anti-freudienne.
C’était une situation révolutionnaire poétique dans une situation plus large, révolutionnaire elle aussi, mais pas du tout poétique. Car il s’agissait, par le nouveau système socialiste, de liquider le danger communiste en distribuant 300'000 places dans l’Administration, et c’est pourquoi un si grand nombre d’Allemands optèrent pour le Socialisme.
Malgré tout, cette situation poétique de dada à Berlin représentait un effort singulier, qui surpassait le stade de Zürich et de Paris. Cependant, le mouvement dadaïste à Berlin, combattu par les autres tendances dadaïstes et sans la possibilité réelle de se mettre en avant de la situation allemande, dut abandonner ses efforts créateurs en 1921.
Cette situation particulière du Club Dada de Berlin n’a, jusque-là jamais été assez clairement évoquée. Je m’efforce de le faire dans mon nouveau livre Chances ou fin du Néodadaïsme.
Il est vain de vouloir faire revivre une Situation, qui était valable il y a 45 ans. Et surtout, lorsque les gens qui s’occupent de cette «restauration» ne sont que des cuistots qui ne savent pas cuire.Vous avez naturellement raison, le fascicule UR des lettristes a paru en 1951. Je les possède.En vous souhaitant d’être capable de «créer» des situations, je vous envoie l’expression de ma sympathie.
Raoul Hausmann
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Guy Debord à Raoul Hausmann
Paris, le 22 avril 1963
Cher Monsieur,
Je vous ai envoyé aujourd'hui quelques tracts situationnistes. Et je voulais aussi vous faire savoir que l'ancienne adrese où j'ai pu trouver votre lettre du 5 avril n'est plus utilisable. Pour toute communication éventuelle notre adresse est : Boîte postale 75-06, Paris.
Nous serons très intéressé par votre prochain livre. Nous pensons comme vous que tout ordre qui paraît «inébranlable et assuré pour toujours» peut se disloquer très vite quand viennent certaines périodes favorables. Et les décorateurs — de tous les styles — de cet ordre s’évanouissent alors avec lui.
Bien cordialement à vous,
Guy Debord
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Raoul Hausmann à Guy Debord
Raoul Hausmann6 rue Neuve Saint-Étienne87 Limoges / Haute-Vienne
le 17 avril 1966
Cher Monsieur Debord,
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt dans le No 10 de l’Internationale situationniste l’article de Khayati sur «Les mots captifs», et j’ai été très satisfait par les explications qu’il apporte sur Dada, car j’étais un des fondateurs du Club Dada de Berlin.
J’étais de 1916 à 1924 collaborateur de la revue Die Aktion pour un Socialisme anti-autoritaire et toujours opposé aux facilités avec lesquelles la plupart des Dadaistes traitait ce renouveau révolutionnaire.En tout cas, l’article de Khayati exprime un point de vue qu’il fallait formuler depuis longtemps aujourd’hui où tant de futilités se font jour à cause du cinquantième «anniversaire de Dada».
J’ai fait une traduction de cet article en Allemand, que j’enverrai a un ami de la revue A-Z pour un art progressif, qui habite en Colombie, et à plusieurs amis en Allemagne.
Évidemment, j’indique l’auteur et la revue I.S.
Veuillez accepter, cher Monsieur Debord, avec mes remerciements, mes salutations les meilleures
Raoul Hausmann
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«Raoul Hausmann vient de m’écrire qu’il approuve fort ton article d’I.S. no 10. Il l’a traduit en allemand pour le faire passer dans une revue sud-américaine. Je vais lui demander une version pour nous. C’est assez émouvant d’avoir Hausmann pour traducteur.»
Lettre de Guy Debord à Mustapha Khayati, 19 avril 1966.
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Guy Debord à Raoul Hausmann
[Paris, le] 25 avril 1966
Cher Monsieur,
Je vous remercie vivement de votre lettre du 17 avril. Nous connaissons bien sûr votre rôle dans le dadaïsme allemand ; de sorte qu’aucune approbation de nos thèses sur cette question centrale ne pourrait être pour nous aussi précieuse que la vôtre.Après l’oubli organisé, la reconnaissance officielle actuelle du dadaïsme ne nous paraît être qu’un moment d’un processus prévisible, moment qui vient avec l’émiettement de la culture et des idéologies qui ont régné pendant une quarantaine d’années de réaction généralisée. La prochaine crise révolutionnaire qui pourra mettre totalement en question le monde que vous avez affronté (et son développement ultérieur) reconnaîtra toute la vérité du dadaïsme.
Nous-mêmes, nous approfondirons autant que possible ce problème historique, c’est-à-dire : d’intérêt immédiat. Nous avons trouvé dans votre livre Courrier Dada [Paru en 1958 aux éditions du Terrain Vague] une partie des rares informations déjà disponibles. Savez-vous où il est aujourd’hui possible de consulter la revue Die Aktion ? Vous m’aviez parlé, dans une précédente lettre, d’un nouveau livre sur le dadaïsme auquel vous travailliez. J’espère que nous le verrons bientôt paraître.
S’il vous était possible de me communiquer un exemplaire de la traduction que vous faites du texte de Khayati, nous serions heureux d’en disposer pour une des publications en allemand que nous tentons parfois.
Veuillez recevoir, cher Monsieur, le témoignage de notre sympathie et de notre admiration (toutes choses que la rumeur publique nous accuse, assez inexactement, de n’accorder à personne).
Guy Debord
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Raoul Hausmann à Guy Debord
Raoul Hausmann6 rue Neuve Saint-Étienne 87 Limoges
le 26 avril 1966
Cher Monsieur Debord,
Je vous remercie beaucoup de votre gentille lettre et de votre compréhension en ce qui me concerne.
Concernant la revue Die Aktion je sais seulement qu’un groupe de mes amis à Berlin a conservé tous les numéros, car évidemment en tant que revue communiste elle fut brûlée par les nazis.
Je veux écrire à Berlin afin de savoir de quelle manière on pourrait vous donner des informations sur les textes qu’il y avait dedans.
D’autre part, je crois que le Schiller-Museum de Marbach en possède aussi, au moins une partie, je vais écrire au Dr. Raabe qui dirige le musée.
Ci-joint la traduction que j’ai faite du texte de Mustapha Khayati, j’espère qu’elle vous servira.
Je n’ai évidemment pas de chances de publier un nouveau livre sur Dada, surtout pas en Allemagne.
Mais dans les revues Phases et Edda paraîtront certaines de mes explications.
Je vous envoie mes meilleures salutations
Raoul Hausmann
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« J’ai lu avec beaucoup de contentement le Pansaers [Clément Pansaers, Bar Nicanor et autres textes Dada, présentés par Marc Dachy]. C’est un livre qui prend une excellente place dans la série que Champ libre avait déjà apportée en contribution à l’histoire du dadaïsme ; et c’est un auteur qui le méritait particulièrement. Il y a vingt ans, même en Belgique, Pansaers n’était qu’un mythe vague, un nom presque effacé, rien qu’un seul titre d’une œuvre inaccessible. »
Lettre de Guy Debord à Floriana Lebovici, 5 mars 1986.
7 septembre 88
Cher Monsieur (la formule, en effet, paraît la meilleure, et la plus libre, sauf puissante raison de dire autre chose),
J’ai trouvé hier seulement, en revenant à Paris, votre lettre du 7 août ; et j’ai bien regretté qu’elle ne me soit pas parvenue quelques jours plus tôt. Étant à la campagne, et classant, détruisant, quelques vieux papiers, j’ai vu en passant deux ou trois lettres de Raoul Hausmann qui concernaient l’époque que vous évoquez. Je ne les ai pas détruites, naturellement. Mais je n’ai pas eu là le loisir de les relire. je peux tout de même vous confirmer le fait que Raoul Hausmann nous avait tout de suite, et spontanément, envoyé une traduction allemande de La Misère, vers la fin de 1966.
Cette traduction, dont nous sentions bien toute la valeur historique, n’a pas été utilisée ; et a malheureusement aussitôt disparu. En effet, elle fut normalement communiquée à notre situ bilingue affecté aux publications allemandes, un nommé Holl, qui peu de jours après dut disparaître, justement englobé dans la proscription de la tendance «garnautine». Tout cela est, en somme, assez dadaïste.
Je pense comme vous que le dadaïsme a été beaucoup plus important que son interprétation «française» tardive. Il y a eu sûrement chez les situationnistes une quantité de références au dadaïsme, en plus de celle que vous citez ; et à travers toute leur activité, un permanent éloge.
Bien sincèrement,
Debord
10 décembre 1990
Cher Marc Dachy,
J’ai retrouvé, l’été dernier, les lettres d’Hausmann que je vous avais promises il y a longtemps. Elles sont finalement quatre.Je vous avoue que j’avais été surpris par votre article dans Le Monde [Du 2 mars 1990], après la si regrettable mort de Floriana. L’idée que Nicolas Lebovici, dément ignare, pourrait prétendre «continuer le travail entrepris par sa mère» m’a paru d’un ton humoristique assez déplacé en la circonstance ; et peut-être même une sévère raillerie contre les auteurs Champ libre — dont pourtant vous êtes vous-mêmes une si honorable illustration. Mais enfin j’ai pensé que vous aviez dû être un instant victime d’une désinformation de Madame Anita Blanc : celle-ci m’avait, au contraire, caché la même fausse nouvelle qu’elle vous a demandé d’authentifier.
Je profite de l’occasion pour vous féliciter de votre livre Merz [Kurt Schwitters, Merz et Ursonate, parus aux Éditions Gérard Lebovici].
Cordialement,
Guy Debord
[Source : Lettres confiées par Guy Debord à Marc Dachy et adressées le 17 août 2002 au Fonds Guy Debord créé par Christophe Bourseiller à l’lnstitut international d’histoire sociale (IISG, Amsterdam).]
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Thèses 190 et 191 de La Société du Spectacle (1967)
190
L’art à son époque de dissolution, en tant que mouvement négatif qui poursuit le dépassement de l’art dans une société historique où l’histoire n’est pas encore vécue, est à la fois un art du changement et l’expression pure du changement impossible. Plus son exigence est grandiose, plus sa véritable réalisation est au delà de lui. Cet art est forcément d’avant-garde, et il n’est pas. Son avant-garde est sa disparition.
191
Le dadaïsme et le surréalisme sont les deux courants qui marquèrent la fin de l’art moderne. Ils sont, quoique seulement d’une manière relativement consciente, contemporains du dernier grand assaut du mouvement révolutionnaire prolétarien ; et l’échec de ce mouvement, qui les laissait enfermés dans le champ artistique même dont ils avaient proclamé la caducité, est la raison fondamentale de leur immobilisation. Le dadaïsme et le surréalisme sont à la fois historiquement liés et en opposition. Dans cette opposition, qui constitue aussi pour chacun la part la plus conséquente et radicale de son apport, apparaît l’insuffisance interne de leur critique, développée par l’un comme par l’autre d’un seul côté. Le dadaïsme a voulu supprimer l’art sans le réaliser ; et le surréalisme a voulu réaliser l’art sans le supprimer. La position critique élaborée depuis par les situationnistes a montré que la suppression et la réalisation de l’art sont les aspects inséparables d’un même dépassement de l’art.
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190
Art in its period of dissolution — a movement of negation striving for its own transcendence within a historical society where history is not yet directly lived — is at once an art of change and the purest expression of the impossibility of change. The more grandiose its pretensions, the further from its grasp is its true fulfillment. This art is necessarily avant-garde, and at the same time it does not really exist. Its vanguard is its own disappearance.
191
Dadaism and surrealism were the two currents that marked the end of modern art. Though they were only partially conscious of it, they were contemporaries of the last great offensive of the revolutionary proletarian movement, and the defeat of that movement, which left them trapped within the very artistic sphere whose decrepitude they had denounced, was the fundamental reason for their immobilization. Dadaism and surrealism were historically linked yet also opposed to each other. This opposition involved the most important and radical contributions of the two movements, but it also revealed the internal inadequacy of their one-sided critiques. Dadaism sought to abolish art without realizing it ; surrealism sought to realize art without abolishing it. The critical position since developed by the situationists has shown that the abolition and realization of art are inseparable aspects of a single transcendence of art.
(traduction anglaise de Ken KNABB)
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190.
L'arte nell'epoca della sua dissoluzione, in quanto movimento negativo teso al superamento
dell'arte in una società storica in cui la storia non è ancora vissuta, è allo stesso tempo un'arte del
cambiamento e l'espressione pura del cambiamento impossibile. Più la sua esigenza è grandiosa, più la sua vera realizzazione è al di là di essa. Quest'arte è necessariamente d'avanguardia, e non lo è. La sua avanguardia è la sua scomparsa.
191.
Il dadaismo e il surrealismo sono le due correnti che hanno segnato la fine dell'arte moderna.
Essi sono contemporanei, anche se in modo relativamente cosciente, dell'ultimo grande assalto del movimento rivoluzionario proletario; e la sconfitta di questo movimento, che li ha lasciati rinchiusi nello stesso campo artistico di cui avevano proclamato la caducità, è la ragione fondamentale della loro immobilizzazione. Il dadaismo e il surrealismo sono allo stesso tempo storicamente legati e in opposizione. In questa opposizione, che costituisce anche ciascuno di loro la parte più conseguente e radicale del loro apporto, appare l'insufficienza interna della loro critica, sviluppata unilateralmente dall'uno come dall'altro. Il dadaismo ha voluto sopprimere l'arte senza realizzarla ; e il surrealismo ha voluto realizzare l'arte senza sopprimerla. La posizione critica elaborata in seguito dai situazionisti ha mostrato che la soppressione e la realizzazione dell'arte sono gli aspetti inseparabili di un unico superamento dell'arte.
(traduction italienne de Paolo SALVADORI, Florence, Éditions Vallecchi, 1979)
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190
El arte en su época de disolución, en tanto que movimiento negativo que persigue la superación del arte en una sociedad histórica donde la historia no es vivida todavía, es a la vez un arte del cambio y la expresión pura del cambio imposible. Cuanto más grandiosa es su exigencia, más se aleja de él su verdadera realización. Este arte es forzosamente de vanguardia y no lo es. Su vanguardia es su desaparición.
191
El dadaísmo y el surrealismo son las dos corrientes que marcaron el fin del arte moderno. Son, aunque sólo de manera relativamente consciente, contemporáneos de la última gran ofensiva del movimiento revolucionario proletario; y el fracaso de este movimiento, que les dejó encerrados en el mismo campo artístico cuya caducidad habían proclamado, es la razón fundamental de su inmovilización. El dadaísmo y el surrealismo están a la vez ligados y en oposición. En esta oposición que constituye también para cada uno de ellos la parte más consecuente y radical de su aportación aparece la insuficiencia interna de su crítica, desarrollada tanto por el uno como por el otro de un modo unilateral. El dadaismo ha querido suprimir el arte sin realizarlo ; y el surrealismo ha querido realizar el arte sin suprimirlo. La posición crítica elaborada después por los situacionistas mostró que la supresión y la realización del arte son los aspectos inseparables de una misma superación del arte.
(traduction espagnole de MALDEOJO)
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190
In der Epoche ihrer Auflösung ist die Kunst als negative Bewegung, die die Aufhebung der Kunst in einer geschichtlichen Gesellschaft verfolgt, in der die Geschichte noch nicht erlebt wird, eine Kunst der Veränderung und zugleich der reine Ausdruck der unmöglichen Veränderung. Je grandioser ihre Forderung ist, um so mehr liegt ihre wahre Verwirklichung jenseits ihrer. Diese Kunst ist gezwungenermaßen Avantgarde und diese Kunst existiert nicht. Ihre Avantgarde ist ihr Verschwinden.
191
Der Dadaismus und der Surrealismus sind die beiden Strömungen, die das Ende der modernen Kunst kennzeichneten. Sie sind, wenn auch nur auf eine relativ bewußte Weise, Zeitgenossen des letzten großen Sturmangriffs der revolutionären proletarischen Bewegung; und das Scheitern dieser Bewegung, das sie gerade im künstlerischen Feld, dessen Hinfälligkeit sie proklamiert hatten, eingeschlossen hielt, ist der Hauptgrund für ihre Immobilisierung. Der Dadaismus und der Surrealismus sind zugleich geschichtlich miteinander verknüpft und stehen im Gegensatz zueinander. In diesem Gegensatz, der für jede der beiden Strömungen auch den konsequentesten und radikalsten Teil ihres Beitrags bildet, erscheint die innere Unzulänglichkeit ihrer Kritik, die von der einen wie von der anderen nur einseitig entwickelt wurde. Der Dadaismus wollte die Kunst aufheben, ohne sie zu verwirklichen ; und der Surrealismus wollte die Kunst verwirklichen, ohne sie aufzuheben. Die seitdem von den Situationisten erarbeitete kritische Position hat gezeigt, daß die Aufhebung und die Verwirklichung der Kunst die unzertrennlichen Aspekte ein und derselben Überwindung der Kunst sind.
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190
A arte na sua época de dissolução, enquanto movimento negativo que prossegue a superação da arte numa sociedade histórica em que a história não foi ainda vivida é ao mesmo tempo uma arte da mudança e a expressão pura da mudança impossível. Quanto mais a sua exigência é grandiosa, mais a sua verdadeira realização está para além dela. Esta arte é forçosamente de v a n g u a r d a, e não é. A sua vanguarda é o seu desaparecimento.
191
O dadaísmo e o surrealismo são as duas correntes que marcaram o fim da arte moderna. Elas são, ainda que só de um modo relativamente consciente, contemporâneas do último grande assalto do movimento revolucionário proletário; e o revés deste movimento, que as deixava encerradas no próprio campo artístico de que elas tinham proclamado a caducidade, é a razão fundamental da sua imobilização. O dadaísmo e o surrealismo estão, ao mesmo tempo, historicamente ligados e em oposição. Nesta oposição, que constitui também para cada um a parte mais consequente e radical da sua contribuição, aparece a insuficiência interna da sua crítica, desenvolvida unilateralmente tanto por uma como por outra. O dadaísmo quis suprimir a arte sem a realizar ; e o surrealismo quis realizar a arte sem a suprimir. A posição crítica elaborada posteriormente pelos situacionistas mostrou que a supressão e a realização da arte são os aspectos inseparáveis de uma mesma superação da arte.