vendredi 26 août 2011

Enrico PRAMPOLINI. Béguinage, 1918, collage, 18 X 22

dimanche 21 août 2011


Katherine S. DREIER. Abstract Portrait of Marcel Duchamp, 1918, huile sur toile, New York, 45.7 X 81.3, Museum of Modern Art

http://beinecke.library.yale.edu/digitallibrary/dreier.html

SUZANNE DUCHAMP

MAN RAY. Portrait photographique de Suzanne Duchamp, vers 1923


Suzanne Duchamp was born in 1889 and her studies began at the Ecole des Beaux-Arts 

in her native Rouen at the age of 16. Her early works reflected Impressionism and Cubism. After a short marriage at the age of 21 she moved to Paris to expand her career as an artist. 

Suzanne Duchamp had her first major exhibition at the Salon des Independants in Paris at the age of 22. At that time her brothers had achieved some prominence which facilitated her acceptance in the art world. For female painters at that time, this was a difficult career to embark on. 

With the outbreak of the first world war, she served as a nurse and it was in 1916 that she produced her Dadaist works. Multiplication Broken and Restored was completed in 1919 and in that same year Suzanne Duchamp married fellow artist Jean Crotti. 

In 1967 an exhibition called Les Duchamps featured Jacques Villon, Raymond Duchamp, Marcel Duchamp and Suzanne Duchamp. She died on September 11, 1963. 
 
Suzanne DUCHAMP. Le Cirque, 1913, 46.5 X 61.5


Suzanne DUCHAMP. Multiplication brisée et rétablie, 1919, 61 X 50, 
Chicago, Art Institute of Chicago

samedi 20 août 2011

La Mariée en 3D (Créalyse infographie, - 1992)



L'oeuvre picturale de Marcel Duchamp ainsi que le montrèrent Robert Lebel et Jean Suquet, outre qu'elle outrepasse les droits "civilement" accordés par le statut consensuel globalisé de l'artiste et demeure par là-même d'une pertinence très proche de l'inconduite sociale, tresse un réseau de sens, un rhizome où s'entremêlent humour noir et attitude d'écart absolu, de résolution des antinomies et peut-être aussi d'indifférence dans et de la différence...

Préfigurant une sorte de menu contextuel encore inimaginé et ouvrant dans le réel une brèche creusée par l'acidité du langage poétique et pictural (aphorismes et ready-made) envisagés comme pratique de vie autant que par son comportement individuel en société (on connaît son admiration pour l'auteur de Walden), son oeuvre tant picturale que poétique (mais jamais littéraire) demeure en ce début de 21ème. siècle un des camouflets les plus retentissants - mais discret - porté à l'establishment et à l'ordonnancement du monde.


Ce petit film, dont on voit ici seulement un extrait (la mise en trois dimensions du tableau intitulé Le Grand Verre, peint très tôt dans le 20ème. siècle, réalisée au moyen de l'image de synthèse) n'a d'autre but que de servir - assez malhabilement encore au moment où la synthèse d'image par ordinateur venait de naître - l'idée originale de Marcel Duchamp que La Mariée mise à nu par ses célibataires, même fut pensée en trois dimensions, mais mise ou laissée peut-être en plan....

http://www.crealyse.com/recherche/dossiers/124-la-mariee-de-duchamp-en-3d-1992.html

MERZ


MERZ, numéro 1, janvier 1923; letterpress; Rijksmuseum, Amsterdam


Marcel DUCHAMP. Quelques lettres

Jean CROTTI, « Prière bolcheviki», 1920, Gouache sur papier, 63,5 x 47,8 Provenance : Collection Marcel Duchamp



Marcel DUCHAMP, Lettre à Jean CROTTI,




style télégraphique


pour correspondance


en retard


210 WEST 14TH STREET


NEW YORK 11, N.Y.


17 AOÛT 1952

[...]


Tu me demandes mon opinion sur ton œuvre, mon cher Jean – C’est bien long à dire en quelques mots – et surtout pour moi qui n'ai aucune croyance – genre religieux – dans l'activité artistique comme valeur sociale.


Les artistes de tous temps sont comme des joueurs de Monte Carlo et la loterie aveugle fait sortir les uns et ruine les autres – Dans mon esprit ni les gagnants ni les perdants ne valent la peine qu'on s'occupe d'eux ­– C'est une bonne affaire personnelle pour le gagnant et une mauvaise pour le perdant.


Je ne crois pas à la peinture en soi – Tout tableau est fait non pas par le peintre mais par ceux qui le regardent et lui accordent leurs faveurs ; en d'autres termes il n'existe pas de peintre qui se connaisse lui même ou sache ce qu'il fait – il n'y a aucun signe extérieur qui explique pourquoi un Fra Angelico et un Leonardo sont également "reconnus".


Tout se passe au petit bonheur la chance – Les artistes qui, durant leur vie, ont su faire valoir leur camelotte sont d'excellents commis-voyageurs mais rien n'est garanti pour l'immortalité de leur œuvre – Et même la postérité est une belle salope qui escamote les uns, fait renaître les autres (Le Greco), quitte d'ailleurs à changer encore d'avis tous les 50 ans.


Ce long préambule pour te conseiller de ne pas juger ton œuvre car tu es le dernier à la voir (avec de vrais yeux) – Ce que tu y vois n'est pas ce qui en fait le mérite ou le démérite – Tous les mots qui serviront à l'expliquer ou à la louer sont de fausses traductions de ce qui se passe par delà les sensations.


Tu es, comme nous tous, obnubilé par une accumulation de principes ou anti-principes qui généralement embrouillent ton esprit par leur terminologie et, sans le savoir, tu es le prisonnier d'une éducation que tu crois libérée­.


Dans ton cas particulier tu es certainement la victime de l"'Ecole de Paris", cette bonne blague qui dure depuis 60 ans (les élèves se décernant les prix eux même, en argent).


A mon avis il n'y a de salut que dans un ésotérisme – Or, depuis 60 ans nous assistons à l'exposition publique de nos couilles et bandaisons multiples – L'épicier de Lyon parle en termes entendus et achète de la peinture moderne­.


Les musées américains veulent à tout prix enseigner l'art moderne aux jeunes étudiants qui croient à la "formule chimique".


Tout cela n'engendre que vulgarisation et disparition complète du parfum originel.


Ceci n'infirme pas ce que je disais plus haut, car je crois au parfum originel mais comme tout parfum il s'évapore très vite (quelques semaines, quelques années maximum) ; ce qui reste est une noix séchée classée par les historiens dans le chapitre "histoire de l'art"­.


Donc si je te dis que tes tableaux n'ont rien de commun avec ce qu'on voit généralement classé et accepté, que tu as toujours su produire des choses entièrement tiennes, comme je le pense vraiment, cela ne veut pas dire que tu aies droit à t'asseoir à côté de Michel-Ange.


De plus, cette originalité est suicidale, dans ce sens qu'elle t'éloigne d'une "clientèle" habituée aux "copies de copistes", ce que souvent on appelle la "tradition"­.


Une autre chose, ta technique n'est pas la technique "attendue" – Elle est ta technique personnelle empruntée à personne – par là encore, la clientèle n'est pas attirée.


Evidemment si tu avais appliqué ton système de Monte Carlo à ta peinture, toutes ces difficultés se seraient changées en victoires. Tu aurais même pu créer une école nouvelle de technique et d'originalité.


Je ne te parlerai pas de ta sincérité parce que ça est le lieu commun le plus courant et le moins valable – Tous les menteurs, tous les bandits sont sincères. L'insincérité n'existe pas – Les malins sont sincères et réussissent par leur malice mais tout leur être est fait de sincérité malicieuse.


En 2 mots fais moins de self-analyse et travaille avec plaisir sans te soucier des opinions, la tienne et celle des autres.

Affectueusement

Marcel



***




Marcel DUCHAMP, Lettre à André BRETON


210 West 14th St. New York

4 octobre 1954

Cher André,


D'abord vous remercier de m'avoir fait parvenir le texte de Jean Reboul ; entre temps j'ai aussi reçu le livre de Carrouges.


La question de savoir si Carrouges se sert de sa formation surréaliste pour en faire profiter « l'Église » n'appartient pas à ma juridiction, car je ne le connais pas et j'ai lu très peu de ses écrits.


Son idée de grouper sous une même appellation les différentes machines à mythe érotique trouve sa justification tout le long du livre ; il y a un rapprochement évident entre les intentions des différents auteurs considérés.


« Machine célibataire », en ce qui concerne La Mariée..., terme décrivant un ensemble d'opérations, n'a pour moi que l'importance d'un titre partiel et descriptif et non pas celle d'un titre à thème intentionnellement mythique.


De même la Mariée ou le Pendu femelle est une « projection » comparable à la projection d'une « entité imaginaire » à 4 dimensions dans notre monde à 3 dim. (et même dans le cas du verre plat à une re-projection de ces 3 dimensions sur une surface à 2 dim.).


À l'aide de la boîte verte Carrouges a mis à jour le processus sous-jacent avec toute la minutie d'une dissection sub-mentale. Inutile d'ajouter que ses découvertes, si elles forment un ensemble cohérent, ne furent jamais conscientes dans mon travail d'élaboration parce que mon inconscient est muet comme tous les inconscients ; que cette élaboration portait plus sur la nécessité consciente d'introduire l'« hilarité » ou au moins l'humour dans un sujet aussi « sérieux ».


La conclusion de Carrouges sur le caractère athée de la "Mariée" n'est pas déplaisante mais je voudrais seulement ajouter qu'en termes de "métaphysique populaire" je n'accepte pas de discuter sur l'existence de Dieu - ce qui veut dire que le terme athée (en opposition au mot croyant) ne m'intéresse même pas, non plus le mot croyant ni l'opposition de leurs sens bien clairs :

Pour moi il y a autre chose que oui, non et indifférent - C'est par exemple l'absence d'investigations de ce genre.

[...]


***


Marcel DUCHAMP, Lettre à Jehan MAYOUX



[...]

- Autant que je me rappelle ce que j'ai écrit dans la lettre parue dans Medium, je refuse de penser aux clichés philosophiques remis à neuf par chaque génération depuis Adam et Eve, dans tous les coins de la planète -. Je refuse d'y penser et d'en parler parce que je ne crois pas au langage. Le langage, au lieu d'exprimer des phénomènes subconscients, en réalité crée la pensée par et après les mots (je me déclare "nominaliste" très volontiers, au moins dans cette forme simplifiée).

Toutes ces balivernes, existence de Dieu, athéisme, déterminisme, libre arbitre, société, mort, etc., sont les pièces d'un jeu d'échecs appelé langage et ne sont amusantes que si on ne se préoccupe pas de "gagner ou de perdre cette partie d'échecs" -.

En bon "nominaliste" je propose le mot Patatautologie qui, après répétition fréquente, créera le concept de ce que j'essaie d'exprimer par ce moyen exécrable : le sujet, le verbe, le complément... etc.

Marcel DUCHAMP. Lettres sur l'art et ses alentours. 1916-1956, Paris, L'Échoppe, 2006, 35-38, 47-49, et 52-53

jeudi 18 août 2011

mercredi 17 août 2011

JEAN CROTTI (I)

Louise Norton-Varèse, Edgard Varèse, Suzanne Duchamp, Jean Crotti et Mary Reynolds, 1924




1878 Jean Crotti naît à Bulle, canton de Fribourg en Suisse, de père et de mère tessinois. De son père il hérite la violence et de sa mère la douceur et une inépuisable imagi­nation. Jean Crotti est le plus jeune des trois enfants, dont André, l'aîné de cinq ans, fait une brillante carrière de chirurgien aux Etats-Unis. Entre eux deux il y a une fille qui meurt à l'âge de dix-huit ans.

1887 Installation de la famille à Fribourg, d'où Jean Crotti s'évade vers Paris, en 1901, grâce à l'aide financière que son frère lui accorde pendant plusieurs années. Il ne quittera jamais Paris, sauf pour de brefs séjours dans le Midi de la France et à l'étranger, notamment aux Etats-Unis. Avant 1900 il dessine beaucoup en cachette et peint de petites pochades, dont il ne reste rien.

1898 Après avoir suivi les cours du Collège de Fribourg, Jean Crotti, ayant réalisé quelques économies, se fait inscrire pour le semestre d'hiver à l'École des Arts Décoratifs de Munich. Mais l'enseignement prodigué dans cette académie le déçoit.

1901 Jean Crotti, arrivé à Paris, entre à l'Académie Jullian, où professent Tony Robert Fleury et Jules Lefebvre, alors à l'apogée de leur carrière. Il est profondément malheureux de ne pas trouver dans ce milieu les éléments qu'il cherche. Il a pourtant la chance d'assister aux mardis du peintre Chialiva. Il y rencontre Degas, Zandomenghi, Rouart et d'autres, mais n'ose pas exprimer ses propres idées devant des artistes aussi célèbres.

1902 Jean Crotti quitte l'Académie Jullian, pour un petit atelier rue Fontaine, près de la place Blanche et commence à peindre et à dessiner pour lui-même, sans rien montrer. C'est l'époque des méditations et des recherches dont l'objet est de décou­vrir le secret de l'art. L'Impressionnisme pèse alors lourdement sur les épaules des jeunes. Mais l'agitation est dans l'air. Plusieurs courants se manifestent.

1907 Crotti envoie aux Indépendants une toile qu'il détruit après le Salon. Il est inquiet. Il réfléchit et approfondit son métier .

1908 Crotti est reçu au Salon d'Automne. Il est élu sociétaire l'année suivante. Un inconnu achète pour 150 francs la toile qu'il a exposée.

1910-1911-1912 Les tableaux de cette époque portent l'empreinte du Cubisme, mais ne sont jamais théoriques. Crotti se flatte de garder intacte son indépendance.

1914 Crotti part pour les États-Unis, invité par son frère. Il s'installe pour plusieurs mois à New- York, où il fait la connaissance de Marcel Duchamp. Cette rencontre joue un rôle important dans son évolution.

1915 Ayant adhéré au mouvement Dadaïste, Jean Crotti réalise le Portrait sur Mesure de Marcel Duchamp et le Clown. Mais le Dadaïsme [sic] n'est qu'un épisode dans son œuvre. Le côté destructif et négatif de Dada ne peut le satisfaire longtemps. La Gale­rie Montross de New York organise une exposition de quatre peintres français que les journaux appellent les quatre Mousquetaires : Crotti, Duchamp, Gleizes et Metzinger. Crotti présente douze tableaux qui datent de 1913 et de 1914.

1916 Retour de Jean Crotti à Paris, où il renoue les relations avec ses camarades des milieux d'avant-garde.

1921 Hébertot qui est un animateur de l'art contemporain offre à Crotti et à sa femme, Suzanne Duchamp, la Galerie du Théâtre des Champs-Élysées, dite Galerie Mon­taigne pour y faire une exposition de leurs œuvres Dada. Ces œuvres représentent pour les deux artistes le passé, mais le public ne les connaît pas.

1925 Crotti s'isole de plus en plus de ses camarades, dont le succès commence à s'affir­mer et qui deviennent les esclaves de leurs formules. Il estime en effet que se reco­pier soi-même c'est nier cette création continue qui est l'essence de l'œuvre d'art.

1925 [1926 ?] Sur la demande d'un industriel allemand, Crotti fait une exposition à Berlin à la Malik Galerie. Après l'exposition, le promoteur de celle-ci, d'accord avec l'artiste, conserve les tableaux en Allemagne en vue d'autres manifestations. Le temps passe. La guerre arrive. En 1953, les tableaux cachés dans le sous-sol d'un immeuble berlinois, écrasé par les bombardements, sont retrouvés et restitués à l'artiste,

1927 Crotti devient français par naturalisation.

1937 La Baigneuse, œuvre capitale datée de 1927, figure au Petit-Palais dans le cadre de l'exposition des Maîtres de l'Art Indépendant, dont le promoteur est Raymond Escholier. Crotti se voit décerner un diplôme d'honneur pour sa décoration murale au Palais des Chemins de fer à l'Exposition des Arts et Techniques et une médaille d'or pour ses projections des formes et couleurs au Pavillon de l'Électricité.

1938-1950 L'art de Jean Crotti est en constante évolution. Les expressions de l'Invi­sible sont presque toujours apparentes, même dans ses toiles les plus abstraites.

1954-1959 Exposition au Musée Caccia à Lugano (Suisse) et exposition au Musée d'Art et d'Histoire de Fribourg (Suisse) en 1955.
Épanouissement des tendances cosmiques dans Vie et Mort, Le Créateur, La Créa­tion, etc. ; tableaux exposés en 1956 à la Galerie de Berri à Paris.
Exposition au Musée Grimaldi à Antibes, en 1957.
Exposition rétrospective au Musée Galliera à Paris, en 1959.

http://dadaparis.blogspot.com/2008/03/la-postrit-est-une-belle-salope.html



***



C'est à Bulle, bourgade de Suisse francophone du canton de Fribourg, d'une dizaine de milliers d'habitants, qu'est né Jean Joseph Crotti en 1878. Il était le plus jeune de trois enfants. Il avait un frère de cinq ans son aîné, André, appelé à devenir un chirurgien réputé, spécialiste de la glande thyroïde, et qui émigra aux États-Unis à la veille de la Première Guerre mondiale, dans l'Ohio. Il avait aussi, plus âgée que lui de seulement deux ans, une sœur, dont la mort, à seize ans, l'a profondément marqué.

Ses parents, originaires du Tessin, déménagent en 1887 pour Fribourg, où son père, peintre en bâtiment, ouvre sa propre entreprise. Contrairement aux espoirs de celui-ci, qui le voyait prendre sa succession, il décide, en 1898, de s'inscrire à l'école des Arts décoratifs de Munich, mais l'enseignement le déçoit. En 1901, après avoir brièvement travaillé auprès d'un décorateur de théâtre, il part pour Paris, étudier à l'Académie Julian, dont il suit les cours pendant un an.

Prenant un atelier près de la place Blanche, il s'engage dans une carrière artistique, aidé financièrement par son frère. En 1907, il envoie une toile au Salon des Indépendants. Insatisfait, il la détruit aussitôt après. En 1908, il expose au Salon d'automne. Il est influencé par les tendances picturales de l'époque, notamment par le pointillisme de Georges Seurat, puis le fauvisme, et enfin, plus durablement, par le cubisme. De 1909 à 1912, il peint des paysages où se superposent des cubes, des pyramides, des formes géométriques.

En 1914, l'atmosphère de la guerre lui étant difficilement supportable, il répond favorablement à une invitation de son frère à se rendre chez lui, aux États-Unis. Il quitte la France avec Yvonne Chastel, la jeune femme qu'il a récemment épousée. Au bout de quelques semaines, le couple s'installe à New York. Il y entre en relation avec les collectionneurs Walter et Louise Arensberg, qui organisent des soirées auxquelles sont invités les artistes d'avant-garde.

Se liant avec Francis Picabia et partageant un atelier avec Marcel Duchamp, Crotti – se transformant en dadaïste – connaît ce qu'il a appelé un second enfantement : « 1915 Naissance de Jean Crotti 2 par autoprocréation et self-accouchement et sans cordon ombilical », écrit-il en 1921 à l'intention du dossier Dadaglobe projeté par Tristan Tzara et resté inédit jusqu'en 1966.

En 1916, il expose à la galerie Montross de New York, en compagnie de Duchamp, Albert Gleizes et Jean Metzinger. Sa participation consiste en douze œuvres, dont trois constructions mêlant verre peint, métal et rebuts. L'une d'elles, de 1915, et qui a disparu, représentait un Portrait sur mesure de Marcel Duchamp.

En septembre 1916, le couple rentre à Paris. Crotti rencontre Suzanne Duchamp, sœur de Marcel, et il en tombe amoureux. Il l'épouse en avril 1919. Tous deux dadaïstes, ils exposent à Paris au premier Salon des Indépendants de l'après-guerre, en 1920, avec Picabia et Georges Ribemont-Dessaignes. Crotti participe ensuite à l'exposition Dada que met sur pied Tristan Tzara à la galerie Montaigne, en juin 1921. Il écrit, dessine, imprime des poèmes ou des tracts dadaïstes.

Mais sa collaboration au dadaïsme lui pose rapidement des problèmes intellectuels. Il rompt avec Tzara. Exposant au Salon d'automne de 1921 Mystère acatène, « premier essai de plastique TABU », il prétend enrichir dada d'une sorte de mysticisme. Dans un manifeste qu'il publie en octobre 1921, Tabu dada, il indique l'orientation de cette métamorphose : « Tabu est une Pensée nouvelle, une Expression nouvelle, une Religion nouvelle. [...] Nous voulons exprimer le Mystère, ce qui ne se peut voir, ce qui ne se peut toucher. »

À travers un ésotérisme illustrant toute une cosmogonie qui reste insaisissable « à la foule », il élabore des tableaux, dessins et sculptures métalliques dont les combinaisons de lignes, courbes et autres signes sibyllins sont censés traduire le dynamisme secret du monde. Mais il ne s'agit là que d'une phase de transition au-delà du dadaïsme. En 1922, il revient plus ou moins au cubisme, réalisant des portraits par plans dissociés de couleurs agressives. À partir de 1924, il évolue vers des compositions abstraites.

Dans les années 1930, il invente une technique du vitrail sans monture de plomb, la technique du « gemmail », terme créé par l'association des mots « gemme » et « émail ». En 1938, il dépose le brevet de ce procédé, fortement exploité ultérieurement pour exécuter des compositions décoratives à partir de grains de verre.

Mort à Paris le 30 janvier 1958, le même jour que son frère André, Jean Crotti n'a cessé de travailler jusque-là en explorateur inlassable de formes répondant à une nécessité intérieure, animées de rythmes et de tourbillons, propres à satisfaire son attirance pour une irruption du merveilleux dans l'ordre du cosmos. En dehors de ce qui constitue sa période dadaïste, il est difficilement classable. Il a su assimiler en toute liberté, avec virtuosité, toutes les possibilités offertes en peinture par le « modernisme ». Pour le cinquantenaire de sa disparition, le musée de Fribourg lui a consacré, de juin à septembre 2008, la première rétrospective portant sur l'ensemble de son œuvre.

Lionel RICHARD , « CROTTI, Jean», Encyclopaedia Universalis

***


Jean Joseph Crotti was born in Bulle, a small village outside of Fribourg in French-speaking Switzerland. He grew up in the countryside until his father moved the family to Fribourg where he started a house-painting business. Crotti was expected to work in this business after his father decided to support only his older brother André's higher education. Despite his father's wishes, Crotti studied at the School for Decorative Arts in Munich in 1896 and in 1900 was apprenticed to a theater set designer. In 1901, possibly financed by André who had become a doctor, Crotti attended the Académie Julian in Paris. Until 1912, when he began working in a cubist style, Crotti's painting showed the influences of primitivism and fauvism.

In 1915, seeking a place to live and work away from the disheartening situation in Paris caused by World War I, Crotti and his wife Yvonne Chastel traveled to the United States, first visiting Crotti's brother in Ohio and then settling in New York. There, Crotti frequented the evening gatherings of artists and intellectuals at the apartment of Walter and Louise Arensberg, collectors of modern art and the center of New York's avant-garde. He became friends with Francis Picabia and shared a studio throughout fall/winter 1915-1916 with Marcel Duchamp, who was then beginning to work on The Large Glass. Crotti later described his aesthetic and personal transformation in New York as a moment of dadaist asexual reproduction, triumphantly declaring: "1915 Birth of Jean Crotti 2 by auto-procreation and self-delivery and without umbilical cord."

At the Montross Gallery in 1916, three of Crotti's constructions, made of painted glass, metal, and found objects, were exhibited in a group show with the works of Duchamp, Albert Gleizes, and Jean Metzinger. The show caused considerable controversy among art critics, much of it directed at Crotti's Portrait sur mesure de Marcel Duchamp (Portrait of Marcel Duchamp Made to Fit), which though attacked as making fun of the public, was praised for its likeness to its subject. Emphasizing Duchamp's intelligent vision, Crotti's metal and wire construction featured prominent glass eyeballs staring out from beneath a sculpted brow.

By September, Crotti was back in Paris, carrying news and greetings to the Duchamp family from their son in New York. Soon after, Crotti fell in love with Duchamp's sister Suzanne, whom he married in 1919. (In the meantime, Duchamp had begun an affair with Crotti's ex-wife Yvonne.) In January 1920 Crotti and Suzanne, along with Picabia and Georges Ribemont-Dessaignes, submitted their work to the first postwar Salon des Indépendants, using this major cultural event to inject Dada into Paris.


While Crotti and Suzanne Duchamp were quietly associated with Dada throughout 1920, their central Dada contribution, an April 1921 joint exhibition at the Galerie Montaigne, was also the first indication of their gradual separation from the group. André Salmon, a poet-critic and antidadaist who wrote the catalogue essay accompanying the exhibition, described his friend Crotti as an artist devoted to tradition and to the restoration of a religious art. The April exhibition also included the first public use of the word tabu, which, inspired by Crotti's mystical experience in Vienna earlier that year, would later become the name for his "new religion." By July, he had formalized his ambivalent break with Dada, calling himself "TABU-DADA or DADA-TUBU." Crotti's first major work of tabu, Mystère acatène (Chainless Mystery), was exhibited at the Salon d'Automne in November 1921, where he also distributed handbills advertising the new movement. In his article, "TABU," published by the Little Review in the spring of 1922, Crotti stated that "TABU is a philosophical religion. . . . We wish through forms, through colors, through it matters not what means, to express the mystery, the divinity of the universe, including all mysteries."


Crotti continued to paint into his later years and in the 1950s returned to motifs of overlapping circles and trajectories reminiscent of his TABU works of 1921–1922. Still preoccupied with breaking "the thread that binds us to matter," Crotti called these new works "cosmic" painting. He and his older brother André died on the same day in 1958.




***

Jean Crotti's spiritual beginnings deeply affected his development as an artist. Born in 1878 in Bulle, near Fribourg in the western, French-speaking section of Switzerland, his early arts education was in Germany and France. Crotti struggled with questions of a religious and spiritual nature while at the School of Decorative Arts in Munich and the Académie Julian in Paris. As an artist, he wrote, “seems to be an instrument of God charged with transmitting messages to men....art must be therefore a kind of magic, bringing signs and messages to man...” He left school in 1902 in order to detach himself and become independent as an artist.

His earliest paintings (1900-1908) are quite domestic scenes reminiscent of Bonnard and Vuillard. His work begins to show the influence of Orphism and Cubism in 1911.

To escape from wartime Paris, Crotti and his wife Yvonne moved to New York city. An article in the New York Tribune (Oct. 24, 1915), “French Artists Spur on American Art,” interviewed a number of artists including Marcel Duchamp, Francis Picabia, Albert and Juliette Gleizes, and Jean Crotti, all refugees from the war who looked to America as a place where they could live and develop their art.

In New York, Crotti established close friendships with Marcel Duchamp and Francis Picabia. He shared a studio with Duchamp. In 1915 there was a radical change in his work, no doubt the effect of his close working relationship with these artists. He called this moment his, “second birth by auto-procreation and self-delivery without umbilical cord.” The shift in Crotti's style was represented in the 1916 group exhibition (with Duchamp, Gleizes, and Metzinger) at the Montross Gallery. Crotti exhibited Orphist-like paintings, several of which had religious titles. Also included was his Portrait of Marcel Duchamp and his much discussed Les Forces Mécaniques de l'amour Mouvement using found objects. The latter is considered one of the earliest examples of Dada's pioneers, was making art out of Inconsequential materials. The first contact between the artists in Zurich and those in New York was a letter sent in September 1916, announcing the activities in Zurich at the Cabaret Voltaire.

Crotti returned to Paris in the fall of 1916 leaving his wife Yvonne in New York. By 1917 his marriage had dissolved and two years later in Paris he married Suzanne Duchamp. Her brother, Marcel Duchamp, who was in Buenos Aires at that time, sent instructions for a “ready-made” wedding gift.

The artists associated with the Dada movement were not active in Paris during the war. The French avant-garde kept abreast of Dada activities in Zurich due to the efforts of Tristan Tzara, who communicated by exchanging letters, poems, and magazineswith Guillaume Appolinaire, Max Jacob, André Breton, and other French writers, critics and artists. The first introduction of Dada to the Parisian public was at the Salon des Indépendants in 1921. Crotti exhibited works associated with Dada together with a work entitled, Explacatif bearing the word “Tabu.” In February 1921, Crotti tells of a mystical experience which was partially responsible for his latest transformation in his work. The new direction which he called “Tabu,” was presented in religious terms, its key concepts being mystery and infinity...“to express the mystery; that which cannot be seen; that which cannot be touched.” A fine example of this tabu period, Mysteere Acaténe, was shown at the Los Angeles County Museum of Art in 1986, at the much acclaimed exhibition, “The Spiritual in Art: Abstract Painting 1890-1985.” Crotti's Attentive Aux Voix Intérieures is not without this influence. The title (Listening to Interior Voices) as well as the compos tion have spiritual overtones relating it to the essence of Tabu. Intersecting angular planes are directed to the heart and at once extend upward connecting the subject (probably Suzanne Duchamp) with the infinite.

Crotti's works were exhibited at the Salon d'Automne and the Salon des Indépendants from 1907-1923. He was also included in the “Exposition International” at L'Art d'Aujourd'hui, Paris 1925, and the “International Exhibiton of Modern Art” at the Brooklyn Museum, organized by the Sociéte Anonyme (1926-1927). A number of his solo exhibitions since the 1920's include: Galerie de France, Paris, 1942; Museo Caccia, Lugano, 1955; Cordier and Ekstrom Gallery, New York, 1970; Kunstmuseum Winterthur, 1972; Gimpel Fils Gallery, London 1974 and Hanover, 1974.

http://www.papillongallery.com/sold/jean_crotti.html

dimanche 14 août 2011

REVUE DADA (suite) : BULLETIN DADA

DADA 6 (Bulletin DADA), Paris, février 1920

REVUE DADA (suite) : DADAPHONE

DADA 7 (DADAPHONE), Paris, mars 1920. Direction : Tristan TZARA. Couverture par Francis PICABIA

samedi 13 août 2011

ANDRÉ BRETON. « Géographie DADA »






Géographie Dada



L'anecdote historique est d'importance secondaire. Il est impossible de savoir où et quand DADA prit naissance. Ce nom qu'il plut à l'un de nous de lui donner à l'avantage d'être parfaitement équivoque.

Le cubisme fut une école de peinture, le futurisme un mouvement politique: DADA est un état d'esprit. Opposer l'un à l'autre révèle l'ignorance ou la mauvaise foi.

La libre-pensée en matière religieuse ne ressemble pas à une église. DADA, c'est la libre-pensée artistique.

Tant qu'on fera réciter des prières dans les écoles sous forme d'explication de textes et de promenades dans les musées, nous crierons au despotisme et chercherons à troubler le cérémonie.

DADA ne se donne à rien, ni à l'amour, ni au travail. Il est inadmissible qu'un homme laisse une trace de son passage sur la terre.

DADA, ne reconnaissant que l'instinct, condamne à priori l'explication. Selon lui, nous ne devons garder aucun contrôle sur nous-mêmes. Il ne peut plus être question de ces dogmes : la morale et le goût.

André Breton. « Géographie Dada », texte prononcé au Salon des Independants, Grand-Palais des Champs Elysées, le 5 février 1920, publié dans Littérature, numéro 13 (Mai 1920) 17-18

VERA BROIDO

Raoul HAUSMANN. Portrait photographique de Vera Broido


Russian born writer and a chronicler of the Russian Revolution. Her mother, Eva Lvovna Broido (nee Gordon, 1876-1941), a prominent Menshevik, was sentenced to exile in Siberia Siberia for taking a stand against the war and the Bolsheviks. The rest of the family moved to Germany. During her time in Berlin in the 1920s Vera met avant garde artist and Dadaist turned society photographer Raoul Hausmann and became his lover and muse, living in a Ménage à trois with him and his wife Hedwig in the fashionable Charlottenberg district of Berlin between 1928 and 1934. In 1941 Vera married British historian Norman Cohn and moved to Britain.


http://www.findagrave.com/cgi-bin/fg.cgi?page=gr&GRid=73017720


Raoul HAUSMANN, Nu (Vera Broido), 1931

vendredi 12 août 2011

HEDWIG MANKIEWITZ-HAUSMANN

An image of Hedwig Mankiewitz-Hausmann by Raoul Hausmann

Raoul HAUSMANN, Portrait photographique de Hedwig Mankiewitz, février 1931,
 épreuve argentique, 13.4 X 11.1


Born in Vienna in 1886, Raoul Hausmann moved to Berlin at age fourteen with his family. He first trained in painting under his father, academic painter Victor Hausmann before undertaking formal art studies and finding initial inspiration in Expressionism. Interested in literature he began contributing articles to magazines such as ‘Der Sturm’, ‘Die Aktion’, and ‘G’ from 1912 onwards. Exposure to Richard Huelsenbeck’s writings and the magazine ‘Cabaret Voltaire’ around 1917 introduced Hausmann to Dadaist thought and in 1918 he joined Huelsenbeck, Johannes Baader, George Grosz and John Heartfield in the founding of the Berlin ‘Dada Club’. During the 1920s and 30s Hausmann was also in contact with the Berlin Constructivists.

From painting Hausmann progressed to assemblage and collage. ‘Sound’ and ‘billboard poems’ were his unique invention, collages incorporating text that integrated visual and auditory cognition. His photographic concerns preceded his photographic practice, outlining new demands on photography in theoretical writings. It was not until the late 1920s that Hausmann began using a camera, although he had already begun experimenting with the photographic image - alongside Hannah Höch (his then lover) and Baader, Hausmann is credited with pioneering the photomontage technique in 1918.

The black and white portrait of his second wife artist Hedwig Mankiewitz-Hausmann, taken in 1931, is an excellent example of Hausmann’s straight photography. This approach ran concurrent to his photomontage during the 1930s with Hausmann often incorporating his straight images into montage works. The concentrated observation, tight cropping and detail of Hedwig’s portrait gives visual expression to Hausmann’s beliefs, outlined in his ‘Form dialectics of photography’, that a face is ‘the most individualised form of expression…most eloquently expressed in the eye, nose, mouth and ear’, that ‘a portrait just for the portrait’s sake in the usual sense is not a photographic-optical exercise’, that its placement in ‘the space of the photo is of decisive significance’ [‘Raoul Hausmann’, Goethe Institute, 1993, p.23].

The relationships between photographic image, the eye and vision as a process of the mind, remained an ongoing concern for Hausmann, stimulated by scientific research. While he had earlier explored photograms, straight photographic capture as well as infrared, during the 1960s his rigorous inquiry of the medium continued with the artist developing his ‘melanograph’ series that presented darkness as a photographic value equal to light.

During the 1930s, as a banned artist under Nazism, Hausmann, his wife (who was Jewish) and Vera Broido (with whom the couple lived in a ménage à trois) were forced to flee Germany. They lived subsequently in Ibiza from 1933-36 until the outbreak of the Spanish Civil War brought about their relocation to Paris where they stayed until the German occupation of the city forced them to move once more, this time to Limoges, France where Hausmann would remain until his death in 1971.

http://www.artgallery.nsw.gov.au/work/179.2010/

Raoul HAUSMANN

RAOUL HAUSMANN, avec HEDWIG MANKIEWITZ & VERA BROIDO

August SANDER, Der Dadaist Raoul Hausmann mit Hedwig Mankiewitz und Vera Broïdo, 1929











TRISTAN TZARA. Manifeste de M. Antipyrine



Manifeste de M. Antipyrine

L'auteur président étant malade a perdu son manifeste. Nous reproduisons, extrait de “La première aventure céleste de M. Antipyrine. „ (Zurich, 1916, Collection Dada, épuisé), le manifeste lu à la première soirée Dada, à Zurich, le 14 juillet 1916. à la salle Waag.

DADA est notre intensité : qui érige les baïonnettes sang conséquence la tête sumatrale du bébé allemand ; Dada est la vie sans pantoufles ni parallèle ; qui est contre et pour l'unité et décidément contre le futur ; nous savons sagement que nos cervaux deviendront des coussins douillets, que notre anti-dogmatisme est aussi exclusiviste que le fonctionnaire et que nous ne sommes pas libres et crions liberté nécessité sévère sans discipline ni morale et crachons sur l'humanité.

DADA reste dans le cadre européen des faiblesses, c'est tout de même de la merde, mais nous coulons dorénavant chier en couleurs diverses pour orner le jardin zoologique de l'art de tous les drapeaux des consulats.

Nous sommes directeurs de cirque et sifflons parmi les vents des foires, parmi les couvents, prostitutions, théâtres, réalités, sentiments, restaurants. Hohi, hoho, bang, bang.

Nous déclarons que l'auto est un sentiment qui nous assez choyé dans les lenteurs de ses abstractions et les transatlantiques et les bruits et les idées. Cependant nous extériorisons la facilité, nous cherchons l'essence centrale et nous sommes contents pouvant la cacher ; nous ne voulons pas compter les fenêtres de l'élite merveilleuse, car Dada n'existe pour personne et nous voulons que tout le monde comprenne cela, car c'est le balcon de Dada, je vous assure. D'où l'on peut entendre les marches militaires et descendre en tranchant l'air comme un séraphin dans un bain populaire pour pisser et comprendre la parabole.

DADA n'est pas folie, ni sagesse, ni ironie, regarde-moi, gentil bourgeois.

L'art était un jeu noisette, les enfants assemblaient les mots qui ont une sonnerie à la fin, puis ils pleuraient et ciraient la strophe, et lui mettaient les bottines des poupées et la strophe devint reine pour mourir un peu et la reine devint baleine, les enfants couraient à perdre haleine.

Puis vinrent les grands ambassadeurs du sentiment qui s'écrièrent historiquement en chœur :

Psychologie psychologie hihi

Science Science Science

Vive la France

Nous ne sommes pas naïfs

Nous sommes successifs

Nous sommes exclusifs

Nous ne sommes pas simples

et nous savons bien discuter l'intelligence.

Mais nous, DADA, nous ne sommes pas de leur avis, car l'art n'est pas sérieux, je vous assure, et si nous montrons le crime pour dire doctement végétation. c'est pour vous faire du plaisir, bons auditeurs, je vous aime tant, je vous aime tant, je vous assure et je vous adore.

CINÉ-SKETCH


MAN RAY. Adam et Ève (Marcel Duchamp et Bronia Perlmutter), 31 décembre 1924,
épreuve argentique,


Berenice ABBOTT , Bronia Perlmutter, vers 1925

samedi 6 août 2011

TRISTAN TZARA. « Cinéma calendrier du coeur abstrait »

MAN RAY. Portrait de Tristan Tzara (et Madeleine Turban), 1921, épreuve argentique, 10.5 X 8.7

Cinéma calendrier du cœur abstrait
1
flacon aux ailes de cire rouge en fleur

mon calendrier bondit médicament astral d'inutile amélioration

se dissout à la bougie allumée de mon nerf capital

j'aime les accessoires de bureau par exemple

à la pêche des petits dieux

don de la couleur et de la farce

pour le chapitre odorant où c'est tout à fait égal

sur la piste réconfort de l'âme et du muscle

oiseau cralle

2
avec tes doigts crispés s'allongeant et chancelants comme les yeux

la flamme appelle pour serrer

es-tu là sous la couverture

les magasins crachent les employés midi

la rue les emporte

les sonnettes des trams coupent la phrase forte

3
vent désir cave sonore d;insomnie tempête temple

la chute des eaux

et le saut brusque des voyelles

dans les regards qui fixent les points des abîmes

à venir à surpasser vécus à concevoir

appellent les corps humains légers comme des allumettes

dans tous les incendies de l'automne des vibrations et des arbres

sueur de pétrole

4
tes doigts chevauchent sur le clavier

peux-tu m'offrir la gamme des hoquets

je me suis courbé vers toi comme un pont tendu

dont les piliers bousculés par la vague ne craquent pas

et c'est l'incertitude sous une forme de décision glacée

se déclenchant au mouvement subit des roues

voilà le muscle de mon cœur qui s'ouvre et crie

5
sous l'escalier

blottis dans la chaleur motrice de cet aéroplane crucifix

ombre rousse

familière dans la vapeur

une cigarette s'approchant comme bateau

et l'âcre fumée d'essence sur le lac

o aiguilles traversant la montre les poissons striés

montent comme des ascenseurs

et l'or des mouches actives :

l'autre

6
la brume a injecté l'œil

qui met couleur à notre vue

de sang léger et de liqueur opaque lasse

se mécanise la danse des cercueils

ou des pages multicolores imprévues dans les veines

roue pétrifiée grise dépouillée de branches

des choses sautant à travers la distance

je vis les intervalles de la mort souterraine

7
affranchis d'agréments trop francs sur le divan

fraîche corde reliant les pierres des pensées

ou sable des formations indéfinies blanches

la menthe a contourné ton âme sous le manteau

malicieusement

isotrope lumière assise sur if et divertissement

8
les carreaux d'étoffe et de feuillage accentuent

l'excuse des quatre paysages et la diversité

parmi les poteaux de béton en construction coulent

au-dessus de la foule entrecoupée par la nature

jardinier de jaspes sanguins

voilà un ballon

brasserie à danse de ventre imprévue s'est tue

un poisson énorme

un autre

les couleurs sont des chiffres qu'on tue et qui sautent

carrousel

comme tout le monde

9
les fibres se soumettent à ta chaleur stellaire

une lampe s'appelle verte et voit

prudent pénétration en saison de fièvre

le vent a balayé la magie des fleuves

et j'ai perforé le nerf

au lac limpide glacé

a cassé la sabre

mais la danse des tables rondes des terrasses

encercle le choc du marbre frisson

nouveau sobre

10
gin cocktail du lever du soleil

le solde de compte des ombres atrophiées

combattent au pas de box-trot le clairons

animaux signalent la conjonctivite en acier des grillages

et les employés du service maritime

comme les occasions en ballon

se jettent dans l'eau

en costumes de satellites bleues et coupables

11
vent pour l'escargot il vend des plumes d'autruche

vend des sensations d'avalanche

l'auto-flagellation travaille sous mer

et des déserts évanouis en plein air à décoration vases

la roue de transmission apporte une femme trop grasse

champs de parchemin troués par les pastilles

qui a compris l'utilité des éventails pour intestins

légère circulation d'argent dans les veines de l'horloge

présente la précision du désir de partir

12
picottements dans la gorge de petites lettres en flamme

quelques gouttes de lumière échec dans le miroir suffisent

et le meilleur cinéma est le miroir du diaphragme

télégramme d'arrivée de chaque degré de froid sec

télégraphie-moi le densité de l'amour

pour remplir la chanson du rebec d'encre de chine

13
cendrier pour fumeurs d'algues et de filtres interrègne

des isthmes inventaires inventions manège crime

lixiviation

les dadaïstes au gouvernail du gulf-stream sarbacane

portent des moustaches légitimes et latines

soignent les fistules de lazulite

lazulite lazulite

qui escalade le capricorne attraction du vaccin zélé tétrarque

et fait des provisions de fissures fossiles

d'érections filtrées par le thorax de jésus

pronostics attaques shackelton du sous-cerveau

14
signe de croix et salut fonction gymnastique mémoire

se dégage automate respiratoire inévitable politesse

l'heure avance dans l'os et marque des traces de silence

pansement soigné des machines défectueuses casernes mâchoires

sel acier plâtre tabac anthracite menthe

m'ont prouvé les nouveaux règlements du cœur abstrait

fiacre fiévreux et quatre craquements âcres et macabres dans la baraque

« sous les ponts de paris »

15
sur les blanches cordes du minuit atrophié

reçois imperméable émissaire lunatique

ampoule femme en caoutchouc de vert par kilomètres

l'engrenage souterrain du sens tactile

16
haute couleur des désirs maritimes froide projection

en diagonale céleste noble et corrigée

sur ton corps gravé de croix blessures

jetés dans le panier de la rédaction

mesure la finesse calculée en dollars

grosse fumée araignée métal fœtus

17
somnifère profondeur qui cuit le coucou kaki

cloche autodidacte et tempérée à sueur d'humidité cacao

d'autres liqueurs cérébrales troublent la grande ourse

dans les creusets

frémir comme des ficelles cultivées à l'équateur

l'appareil guillotine la marche familière des wagons

18
purgatoire annonce la grande saison

le gendarme amour qui pisse si vite

coq et glace se couchent sous l'œil galant

grande lampe digère vierge marie

rue saint jacques s'en vont les petits jolis

vers les timbres de l'aurore blanche aorte

l'eau du diable pleure sur ma raison

19
entre deux tuyaux et la rose diagonale

ouvert le robinet pour lumière peach brandy

la croix monte d'un verre garde-robe

violoncelle cuit bleu hypermanganate

engrenage embryonnaire

et les traces du crayon trident

20
les lampes hypnotisées de la mine de sel

font pâlir le crachant dans la bouche vigilante

les wagons figés dans le zodiaque

un monstre montre son cerveau de verre calciné

voilà la vérité qui s'échappe au salut cordial

et ressemble à la tourterelle du rag-time

sans opposition au parfum initial aux spéculations hippiques

les voyelles de sel dents immobiles sur les rails

on retire les escaliers

signal

21
le foot-ball dans le poumon

casse les vitres (insomnie)

dans le puits on fait bouillir les nains

pour le vin et la folie

picabia arp ribemont-dessaignes

bonjour


Publié à Paris, Au Sans Pareil, collection « Dada », 1920

FRANCIS PICABIA. « Pensées sans langage »



FRANCIS PICABIA

Pensées sans langage

Chers amis Gabriele Buffet, Ribemont Dessaigne, Marcel Duchamp, Tristan Tzara, je vous dédie ce poème en raison de notre sympathie élective.
Francis Picabia.

PRÉFACE

Un courant condensateur désaimante l'étincelle, tandis que l'atmosphère raréfié à l'extréme, sépare les fonds gazeux par une électricité de parafine. Le socle négatif de la machine prend naissance dans une grosse boule, hypothèse d'intérêts de patite taille dans un parc spécial. Les pierres précieuses ont la même dimension accidentellement et en dessous. Par éviter l'indicateur disponible, la bobine de verre aura la forme de pénétration sur la plaque visuelle d'un tube fugitif ou sur une solution simultanément neuve, munie d'un vide égal à la somme des énergies hors d'usage.

Ce livre est radiographie des rayons montrant le mieux la netteté des substances qu'exige l'aiguille fermée.

Udnie.

Pensées sans langage
la tête sur mon épaule

comme réponse à ma pensée

et devant moi une figure imaginaire

rappelle mes flottants souvenirs

végétation jolie d'impatience fiancée

conversation d'amour

qui n'est pas un service militaire

je vois déjà la petite croix

garnie d'un ruban

fumant une cigarette

au-dessus des démolitions



j'ai trouvé la poule malade

laisse-moi t'embrasser

câliner en massages le secret de la vertu

joie naïve de bonheur

regardant la fidélité

qui aime les vœux de chasteté

en fils de madone bordel de soir usé



je m'en vais tout bas gracieusement

comme du velours noir

mon amoureuse d'osier

dans la chambre mariée

chantonne sur ma poitrine

le printemps est aux aguets

dans ma chair

comme moi il cherche une langue de chatte

cérémonie de cul

pour voir l'horloge de soie

dans une lettre d'ambassadeur

grosse bête déshabillée



l'amour mange les petits costumes

des jeunes filles

avec une baguette

habillée en chansonnette

la génie admirateur

des promesses

fait honneur

aux songes chapelet

yeux bleus

de profil



le bon goût devrait être le contraire de l'ennui

il est prétentieux et chatouilleux

comme un des sept psaumes de la pénitence

postiche mémoire

dans la librairie du théâtre animé

des insolences d'une réputation théorie

un joli garçon laisse une odeur de cheveux noirs

hippodromes anévrisme Kohol

il y a beaucoup de coloniaux jolis garçons

air de violoncelle

crêpe de chine sous les jupes

son œil prépare la limite parfum

il fredonne le hasard

dans le corridor dramatique



boire une tasse de thé

comme une femme facile



je ne veux pas de cette aventure

dans l'atmosphère fade

dont chaque signe saisit mes mains

avec une odeur vague

de gens du monde

le potin est une sérénade en chambre

dans l'espoir de tenir compagnie

à la vie d'ennui



remarques auxquelles il ne faut pas prêter la moindre intention

mélancolique cimetière anglais

dont la plupart des habitants

ont une fausse position

au cinquième acte



toutes les oreilles sont surnaturelles

mon valet de chambre est le paratonnerre

des bonnes nouvelles

mourir de faim sera toujours

une source de regrets

si vous raisonnez par-dessus toute la probité

le pain et le sel

ont un costume vraiment pittoresque

mais je ne veux pas vous ennuyer

en vous le décrivant



aider ses amis comme vous l'entendez

pourrait brûler le cervelle d'un fou

mais vous pourriez obliger davantage

si vous n'aviez pas le même calibre



le juge questionnait hostile

elle se mit à sangloter

charges graves de complicité

au dessert

les verreries pâles

s'imposent à l'admiration

en reflets discrets du Nord au Midi

fascination profonde

des raffinés du génie



lieutenant du passé espagnol

qui a perdu ses sens



vous voulez une passion

au-dessus de tout le monde

mieux vaut l'abbé almanach et borgne

car cela revient au même

maladie douloureuse

du progrès social

les régions européennes

ont un caractère militariste



poésie anglaise des problèmes de calcul

fée anti-militariste nuisible

du progrès moral



la nappe est mise toute journée chez moi

affection de vivre avec subtilité

les rues sont vides au Champs de Mars

je suis seul le cigarette aux lèvres

tristesse incurable de fers rougis



concours de tombeaux étalés

qui descendent d'un navire de collection

comme toujours une femme falaise

a un coup de bec sournois

coupé en deux

et l'écume des vagues

a une odeur de poisson fumé

des curieux malpropres dans la nuit

sommeillaient avec un mouvement d'eau-de-vie

enfant mort dans la chambre fausse

gentille et amusante pour la première fois



elle est enceinte

isolée dans le dortoir des humiliantes situations



ma famille rit sur la yole

avec des yeux spirituels

vapeurs symbole d'album

dans un corps champêtre

enlacé dans la campagne impénétrable

comme l'obscurité monsieur le curé

de la grossesse



l'écho chrétien

est une excavation

dans la neige

jusqu'au poitrail

géant goudronné

par le mystère

penché



l'homme cerveau introduisit dans la vie

ce que Dieu n'a pu faire

l'intelligence

Dieu inventa les maladies

l'homme les médecins

Dieu inventa la reproduction

l'homme l'amour

le ciel est froid

sur le bûcher public



connaissez-vous l'amour

l'amour c'est moi si vous voulez

et toutes les femmes ont une ancienne image

et un nouveau chagrin

écho de la torture abrité de gravité

lentement sous la table

la ficelle du docile amant

s'assied dans un lit

côte à côte avec moi

rien que nous deux

fait sourire les femmes

une caresse me ramène la voir

ses mains battent comme un cœur

sur l'idole grasse aux yeux luisants



scène tourbillonnante

comme décor



de la limaille d'or javanais

un coquillage mince entre les cuisses

danse la marche

dans ce corps croquis

la peau poésie accaparée

sourit comme un jeune homme

qui vient d'être présenté

et discret comme un étalage pauvre



vous connaissez le sublime d'une passion bouffie

deux découpures dans le fard des divagations

d'automate cauchemar cosmopolite

la curiosité

s'exaspère dans une haine d'infinie candeur



la charme de l'aube tyrannique

voudrait des enfants violeurs d'ennuis



magnétiquement le lit coiffé de soie

réduit la légende gigantesque du fumeur d'opium



vingt quatre heures à Versailles

saturées d'ennuis

flânerie vicieuse

d'un homme faubourg parisien



gardez-moi de la curiosité

et encore d'autres

vices du chapelet à travers le monde

qui semble endimanché

au contact des vies distinguées

mes compatriotes

voyages exténuants dans l'atmosphère

des muscles ménagerie civilisation



je reconnais la sensation

de mon trac extravasé

les œillades braquées sur moi

nationalistes du théâtre maillot

haleine lourde et ridée

en forme de gare

toute la société inconsciemment

a la hantise du cadavre

mon mal petite idole

devrait me guérir

d'une descente de police

nature qui déforme mon rêve caprice



la pointe du printemps ouvrier

a l'obligation d'ouvrir les persiennes du Soleil

galopades de vaches et valets de ferme

moissonneurs avant l'hiver

d'un beau soir bousculant

les coquelicots d'un songe



aucun mystère femme antichambre

tu empestes la plaisanterie

dans le sommeil des persiennes closes

égratignées d'un regard voyou



toujours insaisissables comme les dollars

les regards de l'amour suprême

vertigineux et sveltes s'enveloppent de luxe

car l'épreuve des beaux morceaux

peut se vautrer

au musée de la lune parfaite

des champs de batailles



toute morale devrait mourir

sous un climat renouvelé d'atmosphère

parasols couchants des terrasses sans scrupules

mâcheurs de fleurs de l'extase androgyne

stupeur qui ricane dans le clair-obscur

des esprits

priez les objets oubliés

vous verrez enfin la peinture cloisonnée

des étoiles candides

dans la cellule du hasard

parfum haillon de grand homme

portant sur l'épaule

son dîner trompeur

récolté entre les murailles d'ardoises

de mon enfance rachitique



le jour est pétrifié dans mon cœur

et tête-à-tête avec mon passé

l'ennui a des nuances jaunes

je le regarde comme s'il devait mourir



connaissez-vous le nez au vent

au bord du trottoir comme de l'eau sale

visage de satyre sous l'air frais du matin de luxe

et le plaisir a un gibier de rendez-vous

spectres derrière une vitre déconcertante

l'espace de l'eau charmant l'ouvrage

garniture de jupon



les contrées lointaines sentent la réalité

bleu exagéré de lumière immobile

vague sourire mal marié

des espèces en face de Dieu



les roses mystérieuses

sorte de pèlerinage sur un petit cheval blanc

démangeaison de la confession sur la mer

amas navré venant au trot

frôlé le long de la route relique

aux aurores de la boulangère



aujourd'hui et depuis longtemps

les ruisseaux ressemblent à des petites femmes

une joie de vivre rêvant tout haut

ça ne signifie rien

pour regarder ailleurs

religions égoïstes de l'humanité

mon visage ressemble aux ruisseaux

mais personne ne viendra

almanach secret des grandes aventures

dans l'escalier

je ne vois rien

mes amis savent tout

feuilles publiques des potins

fabricants de génies et d'imbéciles

opération de toilette

monstres assis dans des fauteuils

illimités



avec des yeux une bouche un nez

sous le fumier aux mouches

les petites fleurs à la surface des marécages

machinalement respirées

dans leur nudités de lumière

éblouissent l'enthousiasme de la luxure

bibelot de haute banque

en manteaux de soir malade



cette dame est plus jolie

qu'une aumône

de monnaie d'or

ensoleillée

par les oreilles des équipages

que mon enfance imprime

une fois surtout



les exercices de sébile

dans une geôle

comme un corps de noces

agenouillé

rasent

des poissons légers



sur une pierre

où nage un acacia pale

et mignon

un cubiste m'a déclaré

que j'étais fou



en silence

peu à peu

le baîllement des rêves

insomnies

attirance du mal caché

appelle

la timidité impossible

des planches grimoires



je suis séduit par les passions abus

les fournitures horloger d'autrui

la poche d'un habit neuf

a un trou

pour voir le rosaire du passé



dans la nuque

son manteau de fourrures

est tombé du nid



je vis ma vie anémiée

frottée aux fards de la nature



la poussière des siècles sait la vie

d'une tête coupée

il faut aimer les individus

dans un baiser aventureux

arabesque des poitrines nerveuses

suggestionnant la tradition

vers la mer



une déesse m'a dit

que son caraco cherchait l'insaisissable

aquarelle nostalgique des religions

sphère éventée dans l'enfilade stupeur

j'ai l'œil dans l'eau

à la lumière des bougies

les tapisseries sont peu sympathiques

et mon cœur demeure habité par l'amour

les tasses vides reposent comme les brumes fœtus

derrière les maisons



la réputation vagabonde après dîner

les bouches encore humides

comme une pluie de portraits

sur un mur couleur irrespirable

du sexe des légendes masquées

l'image des hautes colonnes

où les siècles traînent

évolue autour d'un courant rigide

dans l'architecture de notre vie personnelle

génération qui n'aspire dans cette ambiance

cerclée plastiquement

qu'au pavot du geste rapide



quelles charmantes gens les artistes

attachés aux brancards de l'art

je n'ai pas un sou pour acheter une œuvre d'art



montez tous et restez-là

montez jusqu'aux cuisses à tâtons

tout est froid

les herbes grimpantes

ont une odeur clair semée

cérémonieux microscopes

des générations grises

avant-garde tout éveillée

l'argent sans succès

a des relations mystérieuses

en toilette de nuit

mélancolie pressentiment

anti-physique

sans raison comme le soleil



molles ondulations

intérêts et souffrances

bréviaire de salon

épouse humide aux intentions bourgeoises

un cornet de papier a des sons

l'armoire à glace

symbolique danse du ventre des princesses

mon cœur subsiste dans les Maisons de fous

mimique imaginaire d'un pourvoir spécial

le visage humain ressemble à une lettre suspecte

symbole lucarne des péchés



matelots éveillés aux souterrains intimes

15 mètres de large

sur 23 de long



bijou spécial des nuances effacées

Florence est courbaturée par les mots

arts et beauté

on peut entre les cils italiens

comme une main bleue ou pourpre

en quelques minutes

flairer une tirade apocalyptique



soyeux et luisants devant un minuscule public

les instruments morbides

de bois brodé vision

hors de ma tête ont un sexe et un âge



multiplications inévitables

à l'entresol socialiste

billard carambolage du mariage

coliques de plomb facteur de bonne grâce

mais vous savez bien que cela n'est pas sérieux

les expositions de peinture

ressemblent à un régiment de nègres

et les grands hommes sont des confesseurs

théories d'idéals arguments

car la balance aryenne n'est pas inapplicable

dans les bals populaires



comme la virginité des hommes

celle des femmes est une blague

les vierges ressemblent à l'incapacité militaire

coup de théâtre de la morale bourgeoise

je vois seulement des mœurs lâches

questions d'hygiène

qui ressemblent aux caresses de vingt-cinq ans

donc à peu près comme des enfants

dont l'esprit indocile

avec dédain naturel

sans se soucier du chapitre

boutique d'illusions

met le verrou



résonnance théâtrale métallique

impossible de fantaisie

dans le prolongement

romanesque de mi-carême

le coup des tempêtes est un pneumatique

défiguré par une grimace à la mode

sérénade dénichée dans la turbulence

ouverte sur une cabine carrée

les naufragés sur le rivage attendent

en quelques parties la marche des calligraphes

dans les anfractuosités comiques des muqueuses

tout cela riant aux larmes

sur le yacht au crépuscule

bougie silence



une tache longue et obstinée

jumelle imperceptible des cœurs romanesques

attaque les bons tireurs en face de moi

les faits divers de télégraphie sans fil

joueurs de tam-tam nostalgique

dragées défiance coup de soleil

armes de parade marquées à la panique

maigre et fluette

rien n'est changé

les trafics prohibés scènes de Paris

étoiles et impresario vedettes d'aventure

taille athlétique absolument vide

d'un coup d'œil piédestal aérien



dans les remous moyens des lames

cyclone ferré

en parasol d'autruche

l'heure comiquement a un doigt sur sa bouche

avec des airs comestibles

rascasses au nez chaud

talents mondains cabotins hors de vue

escortent les illusions chères délicieusement

un héros devant une femme

est un être surnaturel comme les langoustes

les pieuvres

et les hautes herbes



tout homme chargé de missions

a des yeux

nerveux aux beaux gestes

accessoires

d'amour docile contre la misère

des cœurs entrevus au ciel azur

or faussés

dans la direction d'artificielle indulgence



il y a un mois une étoile filante

légère et rapide

sous ma fenêtre

tapait à ma porte sous le nom d'estomac

son visage enveloppé dans une large voilette

sauta à terre

mais c'était une photographie

présent et passé odieux

qui réduisent l'heure en schrapneil



il ne suffit pas de produire avec succès

l'hôpital prisonnier

gilets sans boutons

les marches du perron nous fusillent

mal réparable

soldats vins supérieurs d'empoisonnements

les événement de ma vie

se passent dans la sauce

des pulsations de mon cœur

et je fouette les chats

pour me laver de leurs caresses

vous verrez qu'un de ces jours Anatole France

deviendra voyageur au long cours

avec un pensionnat de jeunes filles

d'un pays quelconque



voilà monsieur madame

ce siècle a un charme ravissant

les réformés deviennent inutiles

on a des enfants quand on veut

simple question d'hygiène

pour ne pas en avoir

la sience est antiseptique

l'amour ne l'est pas sur l'oreiller

avoue humblement que tu n'ignores pas les mauvais lieux

aux instants polygamiques



sensualité exacte par dessus la marché

pour la virginité de l'aspect romantique

du mois de septembre

crème à la vanille

ou escamotage dément

des gueules sous le pseudonyme de nature

victoire des feuilles qui tombent

vers l'étage des corruptions divorce



notre vie baisse le nez impassible

comme le ciel réflexions de l'eau Suzanne

scandale des bibelots que mon œil

achève par la suite

trépidation des trains

ou viens jouissances des Messalins

les eaux minérales ressemblent à la musique

Eve et Adam membres de l'institut



valsent dans le salon jarretelle héliotrope

et le baryton est dreyfusard

hier soir le Mont Valérien

s'amusa dans l'air fatigué

du reste de ma tendresse

envers la fausse barbe de la vie



l'art américain blanc et noir

circonlocutions embrouillées

d'alcooliques relations



« Modern Gallery » boutique au premier

a l'aspect romantique d'un carambolage

galerie avec dédicace

c'est ça qui est bon

blonde délicieuse

morale confuse

qui vous étrangle

avec petitesse

momie ou grandeur de cœur

c'est très gentil mais c'est fini cambriolage

ver blanc sur les pelouses à mesurer le pouvoir



insigne bonté ne désespère pas

de m'escroquer le remords ridicule

entr'acte au saut du lit

j'ai malheureusement une rose erreur

le charme fait autour passera

quel soulagement de temps en temps

une blague à la mode

gloire de ne plus revoir

un éloge de gaz pavillon

musique de muffle



les couvertures bleues dorment

à heure fixe

et reflètent le ciel préfecture inanimée



s'aventurer aux Etats-Unis

devient le terme qui favorise

une digestion artificielle

suc gastrique de grenouille élastique

osmose complexe de la vie quotidienne

les microbes des blanchisseuses

s'accrochent au tamis

des dames de la poste

de Potsdam

en souvenir de mon ami

visage de docteur homéopathe cubain

pulsations ondes radiales

des tribunaux infirmes



aujourd'hui sur la terre

le campagnard décroît

concurrence avec recettes

des entraîneurs laborieux



mourir fini de respirer

à grands pas sortie professionnelle

escapade sur la bras du fauteuil

musique dans la tête

les yeux indéfiniment argumenteurs

conseillent le prêtre narcotique

poumons accroupis autour de quelques jours

assise dans ton lit

la vie enfantine de la mort

a la gaité des histoires mécaniques

semelles horloges moribondes



les objets n;ont plus de couleurs

mais leurs ombres ont leurs couleurs

un de mes amis

qui a le clé des docks

pense de même

c'est dans quelque chose d'inconnu

et le ciel habite l'inconnu

quel bonheur

d'avoir un flair infaillible

et de savoir vivre

comme une grande dame

de Shakespeare



long silence coup de poing os

coucher de soleil sur un nez mince

grimace des eucalyptus

dans une cave

il faut descendre pour sortir

amazones dans une église oiseau



la pluie de la mer se fige

le balancier

a le visage mort

confondant l'intelligence résurrection

dans la cimetière locomotive

dint les lanternes brillent

épuisées de fatigues

sur deux roues monstrueuses

géant de café-chantant

dernière rencontre en landau

excès



les mains ont signification républicaine

les moustaches avec rez-de-chaussées

argot limonade

faites passer un sourire aimable

avec envies disputes

hourras



lisez mon petit livre

après avoir fait l'amour

devant la cheminée de caoutchouc

décor nouveau de dévouement

vision que la sagesse marque

de bonne cuisine

grimper dans les milieux sportifs

avec un fil de soie Tenor

bousculer les sexes

avec un éclat de rire

l'éminent peintre moderne

sourit de son talent

ayant servi aux autres

agent de livraison

d'ameublement intrigue

dans une beauté fatale

c'est la plus belle occasion



d'alarme nouvelle

pour tourner le dos



la vie a sa guise

tout bonnement

sans idées généreuses

la vérité paraît médiocre

devant les espaces fermés



un chapeau

est lâche ou courageux



et la lune monte avec impatience

dans l'autre sens

stock d'intentions

déshabillées

qui naissent et disparaissent comme les planètes



tic tac au bain de vapeur

il fait Toujours un Temps admirable aux bains de vapeur

en attendant l'heure le front sérieux

l'intelligence se perd

comme un porte-monnaie



le corps vibrant sans dire un mot

je reviendrai comme si l'air immobilisé

d'embonpoint

à l'abri des excès

était payé par moi



contact d'aventure de goût

petites caresses bonheur sensuel

comme de grands desseins destinés à la gloire

mon amie ressemble à une maison neuve

à une rampe luisante

pouf de soie martyre d'idéal

destiné aux croisades



enlacés par l'amour

sous le voile des romans sérieux

odeur du soleil

dans une ville du midi

gestes lents cravates

montrant des seins de province

le viol silencieux

est mouillé jusqu'à la fin

pas grand'chose



un chapeau de paille d'acacias

sur les cheveux des murs guinguettes

chambre en chambre

nuits passées horriblement heureux

sur les reins pudeur

il y a dans le monde le législateur des bonnes consciences



que le ciel châtie

piment quotidien

ambassadeur secrétaire

pour l'étude des plantes

conjugales



renommée aux plaisirs inféconds

démolisseur de ruines

pauvres toasts

voiture auréole échouée sur la mer

où s'enlise le gouvernail paroissien

la machine à coudre argentée



amuse mes yeux

dans le luxe

d'une bouche mariée

jupe courte

gaz de fourchettes allumées

chamarrées de monnaies adulations

dans un verre ouate

ou les dents whist

splendidement possibles

sous la lumière à tâtonnements

jettent les fiancés sur un lit trouvé



panier à ordures nuptiales

les femmes se parlent à elles-mêmes

deux amoureux

s'embrassent avec luxe sur la bouche

sourire emporté

extase de la chaleur sur le siège

du boudoir

infini fatigué



des yeux clos

strictes politesses

les imaginations ont le regard fixe

le ciel est en bas

et la terre est en haut

sous la promenade des corbeilles

l'enfer est sous-marin

barrant la route

mais la monstrueuse vie

a des cheveux en bandeaux



la misère est illustre

comme une dieu triomphant

en gestes circulaires



elle a la couleur dans petits bas gris

belles courtisanes sous l'avalanche

des ambitions



d'un seul bond sublime but

d'être si pur



tendresses de poèmes dans la solitude

qui déshabille les rires du Théâtre



le bonheur des autres traverse la rue

vers l'inconnu rallumé

au fond

vers les étoiles lumineuses

camarades des soirs sans corsets

gestes extravagants des bagages entr'actes

emportés vers l'idéal bourgeois



les voyages des araignées

magnifiques rythmes

vêtus d'un peignoir surprise

en palissandre de l'âme pendule

sur le marbre des visites

personne guéridon

vin d'Espagne débraillé

venu de là



où la vendeuse de l'herbe morte

avec un crêpe autour du sein

travaille à son gré

serrée par le froid

qui voltige

comme un colosse

avril post-scriptum

chronique d'un trou presse-papier

il faudra une contrebande

en ouvrant les tiroirs du hasard



chez un marchand de primeurs

les étiquettes

m'effleurent aux tempes

j'adore les drapeaux qui ont des petites noms de guerre

dans la bibliothèque bonne binette

quelle différence

avec un serviette en maroquin

Paris critère de l'intelligence

à ruban rouge

au détriment

de l'amour

et des chants



ô mes contemporains

je ne comprends pas vos chiffres

vous avez tous l'argot juif banquier

couvée de guenilles

habits noirs des amateurs parvenus

ivresse difficile

et digestions lentes

de l'approbation de l'argent

en chausson élastique

au soleil sang pur

et regret de la siphylis espagnole

et du nègre acrobate

monstrueux congénère

mains nonchalantes

heureux du monde

confiance publique

à payer son loyer



amour étonné

n'est-ce que cela

le foyer est en débâcle

et la femme amoureuse

cherche le diamant perdu

il faut à coup sûr

ne pas traîner des poids lourds

regrets anatomiques

ou boutiques démodées

bel endroit pour s'y tenir

mais le tourbillon

continue avec ses armes



vous savez que j'ai besoin

des perspectives de brouillard

et d'un bout de chaîne

négligemment distrait

canot automobile

comme les lunatiques conséquences

d'un stéréoscope prolongé

dans un café turc



la pluie tremblante tombe douce

parmi le supplice futur

d'un besoin chuchotement

de luxures

rêves de nuit précis et pratiques

puissance dans un miroir

les détenus semblables

contre les murs sans draps

regardent l'heure absente

sans indifférence pour l'avenir

et bercent les grilles cruelles

avec des petites yeux garantis



un malheureux sorti de prison

marche en silence au bord de fossé

des chimères bohèmes



peu à peu en sifflotant

la bougie s'endormit

et ronfla



jusqu'à l'horizon le bonheur

coiffé de place en place

met le feu aux hannetons des sciences

les uns sur les autres

et la mer jette en l'air les idées

des ornements habillés en polichinelles

mondains —..........

Terminé à Paris le 28 Avril 1919.

P. S. : A tous ceux que démange l'envie de dire que ce langage est sans pensée je conseille la visite dangereuse du jardin zoologique.