samedi 6 août 2011

TRISTAN TZARA. « Cinéma calendrier du coeur abstrait »

MAN RAY. Portrait de Tristan Tzara (et Madeleine Turban), 1921, épreuve argentique, 10.5 X 8.7

Cinéma calendrier du cœur abstrait
1
flacon aux ailes de cire rouge en fleur

mon calendrier bondit médicament astral d'inutile amélioration

se dissout à la bougie allumée de mon nerf capital

j'aime les accessoires de bureau par exemple

à la pêche des petits dieux

don de la couleur et de la farce

pour le chapitre odorant où c'est tout à fait égal

sur la piste réconfort de l'âme et du muscle

oiseau cralle

2
avec tes doigts crispés s'allongeant et chancelants comme les yeux

la flamme appelle pour serrer

es-tu là sous la couverture

les magasins crachent les employés midi

la rue les emporte

les sonnettes des trams coupent la phrase forte

3
vent désir cave sonore d;insomnie tempête temple

la chute des eaux

et le saut brusque des voyelles

dans les regards qui fixent les points des abîmes

à venir à surpasser vécus à concevoir

appellent les corps humains légers comme des allumettes

dans tous les incendies de l'automne des vibrations et des arbres

sueur de pétrole

4
tes doigts chevauchent sur le clavier

peux-tu m'offrir la gamme des hoquets

je me suis courbé vers toi comme un pont tendu

dont les piliers bousculés par la vague ne craquent pas

et c'est l'incertitude sous une forme de décision glacée

se déclenchant au mouvement subit des roues

voilà le muscle de mon cœur qui s'ouvre et crie

5
sous l'escalier

blottis dans la chaleur motrice de cet aéroplane crucifix

ombre rousse

familière dans la vapeur

une cigarette s'approchant comme bateau

et l'âcre fumée d'essence sur le lac

o aiguilles traversant la montre les poissons striés

montent comme des ascenseurs

et l'or des mouches actives :

l'autre

6
la brume a injecté l'œil

qui met couleur à notre vue

de sang léger et de liqueur opaque lasse

se mécanise la danse des cercueils

ou des pages multicolores imprévues dans les veines

roue pétrifiée grise dépouillée de branches

des choses sautant à travers la distance

je vis les intervalles de la mort souterraine

7
affranchis d'agréments trop francs sur le divan

fraîche corde reliant les pierres des pensées

ou sable des formations indéfinies blanches

la menthe a contourné ton âme sous le manteau

malicieusement

isotrope lumière assise sur if et divertissement

8
les carreaux d'étoffe et de feuillage accentuent

l'excuse des quatre paysages et la diversité

parmi les poteaux de béton en construction coulent

au-dessus de la foule entrecoupée par la nature

jardinier de jaspes sanguins

voilà un ballon

brasserie à danse de ventre imprévue s'est tue

un poisson énorme

un autre

les couleurs sont des chiffres qu'on tue et qui sautent

carrousel

comme tout le monde

9
les fibres se soumettent à ta chaleur stellaire

une lampe s'appelle verte et voit

prudent pénétration en saison de fièvre

le vent a balayé la magie des fleuves

et j'ai perforé le nerf

au lac limpide glacé

a cassé la sabre

mais la danse des tables rondes des terrasses

encercle le choc du marbre frisson

nouveau sobre

10
gin cocktail du lever du soleil

le solde de compte des ombres atrophiées

combattent au pas de box-trot le clairons

animaux signalent la conjonctivite en acier des grillages

et les employés du service maritime

comme les occasions en ballon

se jettent dans l'eau

en costumes de satellites bleues et coupables

11
vent pour l'escargot il vend des plumes d'autruche

vend des sensations d'avalanche

l'auto-flagellation travaille sous mer

et des déserts évanouis en plein air à décoration vases

la roue de transmission apporte une femme trop grasse

champs de parchemin troués par les pastilles

qui a compris l'utilité des éventails pour intestins

légère circulation d'argent dans les veines de l'horloge

présente la précision du désir de partir

12
picottements dans la gorge de petites lettres en flamme

quelques gouttes de lumière échec dans le miroir suffisent

et le meilleur cinéma est le miroir du diaphragme

télégramme d'arrivée de chaque degré de froid sec

télégraphie-moi le densité de l'amour

pour remplir la chanson du rebec d'encre de chine

13
cendrier pour fumeurs d'algues et de filtres interrègne

des isthmes inventaires inventions manège crime

lixiviation

les dadaïstes au gouvernail du gulf-stream sarbacane

portent des moustaches légitimes et latines

soignent les fistules de lazulite

lazulite lazulite

qui escalade le capricorne attraction du vaccin zélé tétrarque

et fait des provisions de fissures fossiles

d'érections filtrées par le thorax de jésus

pronostics attaques shackelton du sous-cerveau

14
signe de croix et salut fonction gymnastique mémoire

se dégage automate respiratoire inévitable politesse

l'heure avance dans l'os et marque des traces de silence

pansement soigné des machines défectueuses casernes mâchoires

sel acier plâtre tabac anthracite menthe

m'ont prouvé les nouveaux règlements du cœur abstrait

fiacre fiévreux et quatre craquements âcres et macabres dans la baraque

« sous les ponts de paris »

15
sur les blanches cordes du minuit atrophié

reçois imperméable émissaire lunatique

ampoule femme en caoutchouc de vert par kilomètres

l'engrenage souterrain du sens tactile

16
haute couleur des désirs maritimes froide projection

en diagonale céleste noble et corrigée

sur ton corps gravé de croix blessures

jetés dans le panier de la rédaction

mesure la finesse calculée en dollars

grosse fumée araignée métal fœtus

17
somnifère profondeur qui cuit le coucou kaki

cloche autodidacte et tempérée à sueur d'humidité cacao

d'autres liqueurs cérébrales troublent la grande ourse

dans les creusets

frémir comme des ficelles cultivées à l'équateur

l'appareil guillotine la marche familière des wagons

18
purgatoire annonce la grande saison

le gendarme amour qui pisse si vite

coq et glace se couchent sous l'œil galant

grande lampe digère vierge marie

rue saint jacques s'en vont les petits jolis

vers les timbres de l'aurore blanche aorte

l'eau du diable pleure sur ma raison

19
entre deux tuyaux et la rose diagonale

ouvert le robinet pour lumière peach brandy

la croix monte d'un verre garde-robe

violoncelle cuit bleu hypermanganate

engrenage embryonnaire

et les traces du crayon trident

20
les lampes hypnotisées de la mine de sel

font pâlir le crachant dans la bouche vigilante

les wagons figés dans le zodiaque

un monstre montre son cerveau de verre calciné

voilà la vérité qui s'échappe au salut cordial

et ressemble à la tourterelle du rag-time

sans opposition au parfum initial aux spéculations hippiques

les voyelles de sel dents immobiles sur les rails

on retire les escaliers

signal

21
le foot-ball dans le poumon

casse les vitres (insomnie)

dans le puits on fait bouillir les nains

pour le vin et la folie

picabia arp ribemont-dessaignes

bonjour


Publié à Paris, Au Sans Pareil, collection « Dada », 1920