Cabaret Voltaire dans la Holländischen Meierei
(tenue en 1916 par Jan EPHRAIM), Spiegelgasse no1, Zurich
Marcel JANCO. Cabaret Voltaire. 1916, huile sur toile. Oeuvre disparue
VOLTAIRE est pour Baudelaire l'antipoète, le roi des badauds, le prince des êtres superficiels, l'anti-artiste, le prédicateur des portiers, le papa Gigogne des rédacteurs du Siècle.
Hugo BALL, « Bâle, 5 novembre 1915 », La Fuite hors du temps, 1921
Dada a été fondé au printemps 1916 à Zurich, dans une petite taverne, le Cabaret Voltaire, par messieurs Hugo Ball, Tristan Tzara, Hans Arp, Marcel Janco et Richard Huelsenbeck. Hugo Ball y avait montée, avec son amie Emmy Hennings, un spectacle de variétés auquel nous avons tous activement participé. La guerre nous avait projetés par-dessus les frontières de nos patries. Ball et moi nous venions d’Allemagne, Tzara et Janco de Roumanie, Hans Arp de France. Nous étions tous d’accord : la guerre avait été fomentée par les différents gouvernements pour les raisons les plus platement matérialistes ; nous, les Allemands, nous connaissions J’accuse sans quoi il eût été bien difficile de nous convaincre que le Kaiser et ses généraux aient pu être qualifiés d’hommes honnêtes. Ball était réfractaire et moi-même j’avais pu échapper de justesse aux poursuites de ces valets de bourreaux qui, pour des raisons soi-disant politiques, entassent les hommes dans les tranchées du nord de la France et leur donnent des grenades à bouffer. Aucun de nous n’avait ce genre de courage qui consiste à se faire fusiller pour les idées d’une nation qui, dans le meilleur des cas, n’est qu’un consortium de trafiquants de fourrures et de peaux et, dans le pire, une association de psychopathes s’en allant, comme dans la “ patrie ” allemande, avec un livre de Goethe dans leur havresac, pour embrocher à la baïonnette Français et Russes.
Richard HUELSENBECK, En avant DADA ; l'histoire du dadaïsme, 1920
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(...) le Cabaret Voltaire devint vite le centre incontournable pour tous les frondeurs spirituels s'opposant à la Guerre mondiale. Ce qui au départ était uniquement dirigé contre l'Allemagne, fut dirigé plus tard contre toutes les nations, contre les généraux de tous les pays, toute étroitesse d'esprit nationaliste, toute bêtise, toute violence et toute persécution des choses de l'esprit.
Richard HUELSENBECK, Wozu DADA. Texte 1916-1936, Giessen, Anabas, 1994
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Il ne s’agissait plus de refus devant un monde anachronique ; Dada prenait l’offensive et attaquait le système du monde dans son intégrité, dans ses assises, car il le rendait solidaire de la bêtise humaine, de cette bêtise qui aboutissait à la destruction de l’homme par l’homme de ses biens matériels et spirituels. Aussi fûmes nous désignés à prendre comme objet de nos attaques les fondements mêmes de la société, le langage en tant qu’agent de communication entre les individus, et la logique qui en était le ciment. Nos conceptions de la spontanéité et le principe selon lequel « la pensée se fait dans la bouche » nous amenèrent en tout état de cause à reprendre la logique primant les phénomènes de la vie (« On ne mordra jamais assez son cerveau »).
Tristan TZARA, Le Surréalisme et l'après-guerre, 1947