Quand, en mars 1914, je réfléchissais au projet d'un nouveau théâtre, voilà quelle était ma conviction : il nous manque un théâtre de passions véritablement émouvantes, un théâtre expérimental au-delà des intérêts du jour. L'Europe a trouvé une nouvelle manière de peindre, de faire de la musique et de la poésie. Une fusion de toutes les idées régénératrices, et non pas seulement celles du domaine de l'art. Seul le théâtre est capable de former une nouvelle société. Il faut tout simplement animer les arrières-plans, les couleurs, les mots et les sons d'une telle manière que, passant par l'inconscient, ils dévorent le quotidien et toute sa misère.
Hugo BALL, « Munich, 1914 », La Fuite hors du temps, 1921
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Se dépouiller de son moi comme d'un manteau troué. Ce qui ne peut être maintenu doit être abandonné. Il y a des êtres qui ne supportent absolument pas d'abandonner leur moi. Ils croient n'en posséder qu'un seul exemplaire. Mais l'être humain a beaucoup de moi, comme l'oignon a beaucoup de pelures. Un moi de plus ou de moins, cela ne tire pas à conséquence. Le noyau même est encore pelure. C'est incroyable de voir avec quelle ténacité l'homme se cramponne à ses préjugés. Il supporte la plus amère des tortures, uniquement pour ne pas avoir à se livrer. La nature la plus tendre et la plus profonde de l'homme doit être extrêmement fragile, mais sans aucun doute aussi très merveilleuse. Peu de gens arrivent à cette prise de conscience et à cet entendement diffus, car ils ont peur de la vulnérabilité de leur âme. La peur leur interdit le respect vrai.Ce philosophe qui, avec sa lanterne, était à la recherche d'un être humain ne se trouvait pas encore dans une situation aussi terrible que la nôtre. On ne lui a soufflé ni sa lanterne ni sa propre lumière. On avait cette « bonhomie » d'esprit de le laisser chercher.
Hugo BALL,« Zurich, octobre 1915 », La Fuite hors du temps, 1921
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Le processus autonome de l'imagination fait immanquablement remonter ces choses qui avaient franchi, en bloc, le seuil de la conscience. En un temps comme le nôtre, où les hommes sont quotidiennement assaillis par les choses les plus monstrueuses, sans pouvoir analyser leurs impressions, en un tel temps, la production artistique devient un régime diététique. Néanmoins, tout art véritablement vivant sera irrationnel, primitif et complexe : il utilisera un langage secret et léguera non pas des documents édifiants, mais des documents paradoxaux.
Hugo BALL,« Zurich, 25 novembre 1915 », La Fuite hors du temps, 1921
[23 juin 1916]
J’ai inventé un nouveau genre de poésie, la « poésie sans mots » ou poésie phonétique, où le balancement des voyelles est évalué et distribué seulement selon les valeurs de la série initiale. J’en ai lu les premiers vers ce soir. J’étais habillé d’un costume que j’avais conçu tout spécialement pour cela. Mes jambes étaient prises dans une sorte de tube en carton bleu, brillant ; cette espèce de cylindre m’enserrait étroitement jusqu’aux hanches, de telle sorte que j’avais l’air d’un obélisque. Par dessus, je portais un énorme col-manteau découpé dans du carton, recouvert de papier rouge carmin à l’intérieur et de papier doré à l’extérieur. Il était fixé au cou de telle façon qu’en relevant ou en abaissant les coudes, je pouvais le faire bouger comme des ailes. En plus, j’étais coiffé d’un chapeau de chaman, genre haut de forme, mais très-long et avec des rayures blanches et bleues.
J’ai inventé un nouveau genre de poésie, la « poésie sans mots » ou poésie phonétique, où le balancement des voyelles est évalué et distribué seulement selon les valeurs de la série initiale. J’en ai lu les premiers vers ce soir. J’étais habillé d’un costume que j’avais conçu tout spécialement pour cela. Mes jambes étaient prises dans une sorte de tube en carton bleu, brillant ; cette espèce de cylindre m’enserrait étroitement jusqu’aux hanches, de telle sorte que j’avais l’air d’un obélisque. Par dessus, je portais un énorme col-manteau découpé dans du carton, recouvert de papier rouge carmin à l’intérieur et de papier doré à l’extérieur. Il était fixé au cou de telle façon qu’en relevant ou en abaissant les coudes, je pouvais le faire bouger comme des ailes. En plus, j’étais coiffé d’un chapeau de chaman, genre haut de forme, mais très-long et avec des rayures blanches et bleues.
Sur les trois côtés de la scène, et tournés vers le public, j’avais installé des pupitres de musique sur lesquels j’avais disposé mon manuscrit, tracé au crayon rouge, et j’officiais tantôt devant l’un, tantôt devant l’autre. Comme Tzara était au courant de mes préparatifs, ce fut une véritable petite première. Tout le monde attendait avec une grande curiosité. Alors, ne pouvant marcher avec ma colonne, je me fis porter sur la scène, plongée dans l’obscurité, et je commençai lentement et solennellement :
gadji beri bimba
gadji beri bimba
glandridi laudi lonni cadori
gadjama bim beri glassala
glandridi glassala tuffm i zimbrabim
blassa galassasa tuffm i zimbrabim…
Les accents se faisaient plus lourds, l’expression s’intensifiait en appuyant sur les consonnes. Je me rendis vite compte que mes moyens d’expression — si je voulais garder mon sérieux (et je le voulais à tout prix) — n’étaient pas à la hauteur du faste de ma mise en scène […]. J’eus peur du ridicule et je fis un effort sur moi-même. Je venais d’exécuter, devant le pupitre de gauche, Le Chant de Labada aux nuages et, devant celui de droite, La Caravane d’éléphants [= Karawane : « jolifanta bambla… »] et, m’appliquant à battre vigoureusement des ailes, je me tournai de nouveau vers le chevalet du milieu. Grâce aux lourdes séries de voyelles et au rythme traînant des éléphants, j’avais réussi à obtenir un effet croissant. Mais, comment finir ? Alors je m’aperçus que ma voix, n’ayant plus d’autre choix, avait adopté la très-ancienne cadence de la lamentation sacrée, le style de ces chants liturgiques qui répandent leur plainte à travers toutes les églises catholiques, de l’Orient à l’Occident.
Les accents se faisaient plus lourds, l’expression s’intensifiait en appuyant sur les consonnes. Je me rendis vite compte que mes moyens d’expression — si je voulais garder mon sérieux (et je le voulais à tout prix) — n’étaient pas à la hauteur du faste de ma mise en scène […]. J’eus peur du ridicule et je fis un effort sur moi-même. Je venais d’exécuter, devant le pupitre de gauche, Le Chant de Labada aux nuages et, devant celui de droite, La Caravane d’éléphants [= Karawane : « jolifanta bambla… »] et, m’appliquant à battre vigoureusement des ailes, je me tournai de nouveau vers le chevalet du milieu. Grâce aux lourdes séries de voyelles et au rythme traînant des éléphants, j’avais réussi à obtenir un effet croissant. Mais, comment finir ? Alors je m’aperçus que ma voix, n’ayant plus d’autre choix, avait adopté la très-ancienne cadence de la lamentation sacrée, le style de ces chants liturgiques qui répandent leur plainte à travers toutes les églises catholiques, de l’Orient à l’Occident.
Je ne sais ce que cette musique m’a suggéré. Mais j’ai commencé à chanter mes séries de voyelles dans le style récitatif de l’Église ; et je ne m’efforçais pas seulement à rester sérieux, mais à y contraindre aussi mon auditoire. Pendant un instant j’eus l’impression de voir surgir de mon masque cubiste le visage d’un petit garçon, pâle et troublé, ce visage mi-effrayé mi-curieux d’un garçon de dix ans qui, pendant les messes funéraires et les grand-messes de sa paroisse, était rivé, tremblant et avide, à la bouche du prêtre. Alors, comme je l’avais demandé, la lumière électrique s’éteignit et, couvert de sueur, je fus soulevé et emporté de la scène, comme un évêque magique.
Hugo BALL, La Fuite hors du Temps, trad. Sabine Wolf, Monaco, éd. Du Rocher, 1993
Hugo BALL, La Fuite hors du Temps, trad. Sabine Wolf, Monaco, éd. Du Rocher, 1993
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Karawane
jolifanto bambla o falli bambla
großiga m'pfa habla horem
egiga goramen
higo bloiko russula huju
hollaka hollala
anlogo bung
blago bung blago bung
bosso fataka
ü üü ü
schampa wulla wussa olobo
hej tatta gorem
eschige zunbada
wulubu ssubudu uluwu ssubudu
tumba ba-umf
kusa gauma
ba - umf
großiga m'pfa habla horem
egiga goramen
higo bloiko russula huju
hollaka hollala
anlogo bung
blago bung blago bung
bosso fataka
ü üü ü
schampa wulla wussa olobo
hej tatta gorem
eschige zunbada
wulubu ssubudu uluwu ssubudu
tumba ba-umf
kusa gauma
ba - umf
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Seepferdchen und Flugfische
tressli bessli nebogen leila
flusch kata
ballubasch
zack hitti zopp
zack hitti zopp
hitti betzli betzli
prusch kata
ballubasch
fasch kitti bimm
zitti kitillabi billabi billabi
zikko di zakkobam
fisch kitti bisch
bumbalo bumbalo bumbalo bambo
zitti kitillabi
zack hitti zopp
treßli beßli nebogen grügrü
blaulala violabimini bisch
violabimini bimini bimini
fusch kata
ballubasch
zick hiti zopp
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Gadji beri bimba
gadji beri bimba glandridi laula lonni cadori
gadjama gramma berida bimbala glandri galassassa laulitalomini
gadji beri bin blassa glassala laula lonni cadorsu sassala bim
gadjama tuffm i zimzalla binban gligla wowolimai bin beri ban
o katalominai rhinozerossola hopsamen laulitalomini hoooo
gadjama rhinozerossola hopsamenbluku terullala blaulala loooo
zimzim urullala zimzim urullala zimzim zanzibar zimzalla zam
elifantolim brussala bulomen brussala bulomen tromtata
velo da bang band affalo purzamai affalo purzamai lengado tor
gadjama bimbalo glandridi glassala zingtata pimpalo ögrögöööö
viola laxato viola zimbrabim viola uli paluji malooo
tuffm im zimbrabim negramai bumbalo negramai bumbalo tuffm i zim
gadjama bimbala oo beri gadjama gaga di gadjama affalo pinx
gaga di bumbalo bumbalo gadjamen
gaga di bling blong
gaga blung
Interprétations sur UBUWEB : http://www.ubu.com/sound/ball.html
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According to Hugo Ball, inventor of dadaist phonetic poetry, we must withdraw into the deepest alchemy of words, reserving to poetry its most sacred ground" : a program whichwould have -appealed to Velemir Chlebnikov, "eternal prisoner of assonance", for whom the alphabet was a "table of sounds". Chlebnikov wanted to immerse himself in the depths of the Russian etymons, of the etymological night, in search of a mythical panslavonic language "whose shoots must grow through the thicknesses of modem Russian". The ultra modem tends to link up with the archaic, eternal contradiction of avant-gardes.
Stravinsky's "Rite of Spring' (composed in the years 1912-13) is a musical flight from time, a return to the common archaic background, to magic, spells, a primitive religious paganism.
Illogical phonic sound, abstract poetry, was taken up by dadaism from Italian and Russian futurism. In Zurich, at the Cabaret Voltaire, founded in 1916 by five friends, Hugo Ball Tristan Tzara, Hans Arp, Marcel Janco and Richard Huelsenbeck, first simultaneous poems by Henri-Martin Barzun and Jarry's "Ubu Roi" were recited. Later Tzara declaimed some of his simultaneous poems such as "La Fièvre puerpérale" a "Froid Lumière", for the purpose of representing the dualism between the soul (the voice) and the world (mechanistic process, fate) represented by noises. "Les chants nègres" was a collective performance with masks, soutanes, drums, dances: a sort of funeral service.
Here, one evening, Hugo Ball read his "Verses without words", based on the equilibrium of vowels, regulated and distributed exclusively in relation to the phonic value of the initial line. Clothed in azure, scarlet and golden cardboard, with a cylindrical shaman's hat on his head - it is Ball's own description - "I began with:*
The accents became heavier, expression increased with the intensification of the consonants. I soon noted that my means of expression, when I wanted to be serious (and I wanted to be at all costs) no longer corresponded to the pomp of the staging... to the right on the lectern I had "Labadas Gesang die Wolken" (Labada's song to the clouds) and on the left "Elefantenkarawane" (The caravan of the Elephants)... the dragging rhythm of the elements had permitted me a last crescendo, but how to continue to the end? I then noticed that my voice, which apparently had no other choice, was assumed an ancient cadence of sacerdotal lament in the style of the masses sung in the Catholic churches of the east and west. I do not know what this music inspired in me, but I began to sing my sequences of vowels in recitative liturgical manner. The electric light was turned off as arranged and I was carried away covered in perspiration like a a magical bishop who disappears into the abyss" (Die Flucht aus der Zeit" "The flight out of time", Munich, 1927). Thus was dada phonetic poetry born.
Hugo Ball was born at Pirmasens in the Rhineland in 1886 into a family of practising Catholics. His father was a leather dealer and had to maintain six children, all well versed in music.
"In our family", Hugo Ball recalled, "one played music more than one talked". As a young boy he was influenced by a mystical sister of his mother who later entered a convent. After finishing secondary school he entered the tanning trade but studied philosophy, history and art at night. After he had suffered a serious nervous breakdown, his parents, on the doctor's advice, sent him to continue his studies at the university, studies which were never completed because, while a student at Munich, he met Max Reinhardt, the well-known director, after which he entered the theatrical profession. First Reinhardt's assistant, he became the director of the Münchener Kammerspiel, which owes him its name, and he published two theatrical works. He was tall and thin, with long legs, a thin neck and an ascetic air. At Munich he met Emmy Hernnings, poet and reciter at the Cabaret Simplicissimus, who became his comanion and, after his death, dedicated her life to is memory and published his works.
At the beginning of the First World War, Hugo Hall, influenced by patriotic propaganda, joined the army as a volunteer, But, after the invasion of Belgium, was disillusioned and soon rebelled : "The war is founded on a glaring mistake, he wrote, men have been confused with machines". The discovery of Bakunin helped him to see reality in a different light : his intuitive thought turned against the world. Considered a traitor in his country, he crossed the frontier with his wife and settled in Zurich, where at first the couple lived in a state of great misery. His dadaist adventure lasted only two years, after which this man who was at the same time anarchist, ascetic and buffoon withdrew from the world and became profoundly mystical. He died at Sant'Abbondio, Switzerland, in 1927.
It is worth remembering that in 1919 Ball wrote "Zur Kritik der deutschen Intellikenz" (Towards a criticism of German intelligence), a work which met with general reprobation in his country and in which he revealed a presentiment of Nazism. In 1916, in Zurich, Hugo Ball founded the Cabaret Voltaire and published the literary and artistic collection with that name. Hans Richter wrote: "Ball, for reasons of conscience, became the catalyst that humanly fused together all the elements round him, elements who were later to bring dadaism into being". In 1927 his diaries were published posthumously by his wife under the title "Flight from time".
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Hugo BALL (born 1886 Pirmasens, Germany ; died 1927 Sant' Abbondio, Switzerland)
Born into a strict and highly devout Catholic family, Hugo Rudolf Ball was a sensitive child, who grew up fearing the severity of his mother's faith. As a young man, he was apprenticed to a leather factory, but after suffering a nervous breakdown, he was allowed by his family to attend university in Munich and Heidelberg, where he studied German literature, philosophy, and history, and began a dissertation on Friedrich Nietzsche. Describing his search for philosophical meaning as "my problem, my life, my suffering," Ball devoted himself to intense study, reading widely across various systems of thought, including German moral philosophy, Russian anarchism, modern psychoanalysis, and Indian and early Christian mysticism. It was Ball who provided the Dada movement in Zurich with the philosophical roots of its revolt.
From 1910 to 1913 Ball embarked on a career in the theater, first studying acting with Max Reinhardt and then working as a director and stage manager for various theater companies in Berlin, Plauen, and Munich. His ambition was to develop a theater modeled on the idea of the Gesamtkunstwerk—a synthesis of all the arts—that could motivate social transformation and rejuvenation. He also began writing, contributing critical reviews, plays, poems, and articles to the expressionist journals Die Neue Kunst (The New Art) and Die Aktion, both of which, in style and in content, anticipated the format of later Dada journals. In Die Aktion, poems written jointly by Ball and Hans Leybold appeared under the pseudonym Ha Hu Baley. Leybold, a young and rebellious expressionist writer, was one of Ball's best friends and an active influence on his intellectual development. Also important to the formation of Ball's ideas, especially during the Dada period, were Vasily Kandinsky, the abstract painter and leader of the expressionist Blaue Reiter group, and Richard Huelsenbeck, a young doctor and student who would later become central to Dada in Zurich and Berlin, both of whom he met for the first time in Munich in 1912–1913.
In 1914 Ball applied for military service three times and was rejected on each occasion for medical reasons. The trauma he experienced when he took a private trip to the front in Belgium prompted him to abandon the theater and move to Berlin, where he began to delve into political philosophy, especially the anarchist writings of Peter Kropotkin and Mikhail Bakunin. He began writing a book on Bakunin that would continue to occupy him for the rest of his life. With Huelsenbeck, Ball staged several antiwar protests in Berlin, the first of which took place in February 1915 and was a memorial to fallen poets, including Hans Leybold, who had been mortally wounded at the front. Other expressionist evenings hosted by Ball and Huelsenbeck included the kind of aggressive and theatrical readings that would characterize Dada performances.
In mid-1915 Ball and Emmy Hennings, a cabaret singer whom he had met in Munich and whom he would marry in 1920, left Berlin for neutral Zurich. There, in February 1916, after stints with theatrical companies and vaudeville troupes, they opened the Cabaret Voltaire. At the Cabaret, Ball was organizer, promoter, performer, and the primary architect of Dada's philosophical activism. He advocated the intentional destruction and clearing away of the rationalized language of modernity that for him represented all that had led to the "agony and death throes of this age." His poetry was an attempt to "return to the innermost alchemy of the word" in order to discover, or to found, a new language untainted by convention. One of Ball's most innovative poetic forms was the sound poem, a string of noises which, when premiered at the Cabaret in June 1916, he performed with a mesmerizing, almost liturgical intensity. In his diary account of the reading, Ball recorded how his chanting had transported him back into his childhood experience of Mass, leaving him physically and emotionally exhausted.
In July 1916 Ball left the Dada circle in Zurich in order to recuperate in the small village of Vira-Magadino in the Swiss countryside. When he returned in January 1917, it was at the request of Huelsenbeck and Tristan Tzara, who wanted him to help organize Galerie Dada, an exhibition space that opened in March 1917. Events at the Galerie included lectures, performances, dances, weekend soirées, and tours of the exhibitions. Although Ball supported the educative goals of the Galerie, he was at odds with Tzara over Tzara's ambition to make Dada into an international movement with a systematic doctrine. He left Zurich in May 1917 and did not again actively participate in Dada activities.
By the end of 1917 Ball was living in Bern, writing for the radical Die Freie Zeitung (The Free Newspaper), an independent paper for democratic politics. Ball contributed articles on German and Soviet politics, propaganda, and morality. He also returned to his study of Bakunin and prepared a manuscript of his 1915 Zur Kritik der deutschen Intelligenz (Critique of the German Intelligentsia) for publication. The Critique was a virulent attack on Prussian militarism and its effect on German culture that Ball had written partly in response to the nationalistic fervor that gripped Germany during World War I.
After 1920, when he and Hennings moved to the small Swiss village of Agnuzzo, Ball became increasingly mystical and removed from political and social life, returning to a devout Catholicism and plunging into an ambitious study of fifth- and sixth-century Christian saints. He began revising his personal diaries for the years 1910–1921, and in 1927 these writings were published as Die Flucht aus der Zeit (Flight Out of Time). Containing philosophical writings and acute observations of Dada performances and personalities, it remains one of the seminal documents of the Dada movement in Zurich.
« avec la poésie phonétique on renonce d’emblée à une langue corrompue par le journalisme et rendue impossible. Que l’on se retire vers l’alchimie la plus intime du mot, que l’on abandonne même encore le mot afin de préserver ainsi la région la plus sacrée de la poésie. »
Hugo Ball est né en 1886 à Pirmasens (Allemagne). Bourgeois et catholique, durablement influencé par la lecture de Nietzsche (à Munich il écrivit Nietzsche et le renouvellement de l’Allemagne) et de Bakounine (dont il chercha, un peu plus tard, à publier des œuvres choisies), interrogeant aussi bien la naissante psychanalyse que les sagesses de l’Inde ou les premiers temps du christianisme, il avait rompu avec sa famille — et avec la bourgeoisie — pour se consacrer au théâtre : avec Max Reinhardt (auprès duquel Murnau également fit ses premières armes), puis Frank Wedekind, dont il montait les pièces ; mais aussi à la poésie (notamment, avec Hans Leybold, sous le pseudonyme commun de Ha Hu Baley) : publiant dans diverses revues expressionnistes, telles que Die Neue Kunst ou Die Aktion de Franz Pfemfert (il demeurerait fortement marqué par sa rencontre et son amitié avec Kandinsky, qui lui avait probablement révélé le langage zaoum des Futuristes russes). Mais il demeura profondément religieux, voire mystique, jusqu’à sa mort.
Hugo Ball est né en 1886 à Pirmasens (Allemagne). Bourgeois et catholique, durablement influencé par la lecture de Nietzsche (à Munich il écrivit Nietzsche et le renouvellement de l’Allemagne) et de Bakounine (dont il chercha, un peu plus tard, à publier des œuvres choisies), interrogeant aussi bien la naissante psychanalyse que les sagesses de l’Inde ou les premiers temps du christianisme, il avait rompu avec sa famille — et avec la bourgeoisie — pour se consacrer au théâtre : avec Max Reinhardt (auprès duquel Murnau également fit ses premières armes), puis Frank Wedekind, dont il montait les pièces ; mais aussi à la poésie (notamment, avec Hans Leybold, sous le pseudonyme commun de Ha Hu Baley) : publiant dans diverses revues expressionnistes, telles que Die Neue Kunst ou Die Aktion de Franz Pfemfert (il demeurerait fortement marqué par sa rencontre et son amitié avec Kandinsky, qui lui avait probablement révélé le langage zaoum des Futuristes russes). Mais il demeura profondément religieux, voire mystique, jusqu’à sa mort.
D’abord engagé volontaire en 1914, mais réformé, puis horrifié par le spectacle du front (et le suicide de Leybold), et estimant que le théâtre n’avait plus de sens dans un monde à feu et à sang, il rompit cette fois avec sa patrie et passa illégalement en Suisse, où il survécut d’abord, dans une extrême pauvreté et sous des noms d’emprunt, en compagnie d’Emmy Hennings, comme pianiste et rédacteur d’une petite troupe ambulante : « Maxim », dirigée par Ernst Alexander Michel (dit Flamingo), et collabora au journal communiste humanitaire de F. Brupbacher : Der Revoluzzer, dénonçant les socialistes ralliés à la politique de guerre ; de cette expérience, il devait rendre compte dans Flametti ou Le Dandysme des pauvres (1918).
C’est alors, le 8 février 1916, qu’il crée et anime l’éphémère Cabaret Voltaire à Zurich, et publie la revue du même titre, plus éphémère encore. Les peintres du groupe : Hans Arp, Marcel Janco, Viking Eggeling… y exposent leurs travaux — mais aussi, Picasso ou Modigliani. Hennings chante — comme elle le faisait déjà au Bunte Vogel et au Simplizissimus à Munich ou au Café des Westens à Berlin —, accompagnée par Ball au piano ; Sophie Taeuber et des élèves de Rudolf von Laban dansent ; un chœur de Russes se produit également ; et on y entend lors de spectacles d’avant-garde houleux — qui perpétuent la tradition expressionniste et, en amont, celle des Hydropathes et du Chat Noir à Paris (ainsi, Emmy interprète-t-elle des chansons de Bruant traduites par Ferdinand Hardekopf) —, outre des œuvres de Ball (Totentanz, « poésie sans mots, manifestes »), Richard Huelsenbeck (« poèmes nègres, poèmes bruitistes, manifestes ») et Tristan Tzara (« poèmes simultans, poèmes nègres, poèmes mouvementistes, manifestes »), exécutées par eux-mêmes, des « mots en liberté » futuristes, des poèmes et écrits en tous genres, y compris expressionnistes : Apollinaire, Cendrars, Barzun, Kandinsky, Else Lasker, Wedekind, Morgenstern, Max Jacob, André Salmon, Tchekhov, Nekrassov, Tourgueniev, Jarry (Ubu Roi lu par Arp), Laforgue, Rimbaud, etc. Ces spectacles (ou ces anti-spectacles) donnent lieu à des manifestations plus ou moins violentes qui préfigurent ce que seront plus tard les manifestations dada, notamment à Berlin et à Paris ; mais le Cabaret n’eut que six mois d’existence, racontés par Tzara dans sa « Chronique zürichoise » de l’Almanach Dada, publié par Huelsenbeck (Berlin, 1920).
Le récit que Ball lui-même fait de sa lecture de « poèmes sans mots » atteste clairement le lien, qui s’est obscurément opéré en lui, entre poésie et mystique (le 23 juin) : « je m’aperçus que ma voix, n’ayant plus d’autre choix, avait adopté la très ancienne cadence de la lamentation sacrée, le style de ces chants liturgiques qui répandent leur plainte à travers toutes les églises catholiques, de l’Orient à l’Occident. » Et même, entre poésie, politique et mystique (le 24 juin) :
« Avant de commencer la récitation, j’avais fait la lecture de quelques notes explicatives, disant qu’avec la poésie phonétique on renonce d’emblée à une langue corrompue par le journalisme et rendue impossible. Que l’on se retire vers l’alchimie la plus intime du mot, que l’on abandonne même encore le mot afin de préserver ainsi la région la plus sacrée de la poésie. » (La Fuite hors du Temps, 1927)
Dès lors (il le note le 6 août), sa propre démarche intellectuelle, plus philosophique et religieuse qu’artistique ou idéologique, ne pouvait longtemps se confondre avec celle de Dada : il s’en éloigne bientôt et, en 1917-1918, à Berne — après une première semi-retraite avant-coureuse au Tessin dès l’été 1916 —, vivant à nouveau dans la plus grande pauvreté, il collabore activement au Freie Zeitung de Hans Schlieben, où il se livre dans une série d’articles à une virulente Critique de l’intelligence [ou de l’intelligentsia] allemande depuis la Réforme (publiée en volume en 1919). Il délaisse finalement le journalisme politique et poursuit cet itinéraire utopiste et quasi mystique en Allemagne, puis encore dans le Tessin et le sud de l’Italie : c’est à cette époque qu’il consacre un ouvrage au Christianisme byzantin — tout en travaillant à la mise au net de La Fuite hors du temps, son journal des années 1913 à 1921, qui paraît juste avant sa mort, à Sant’Abbondio (Suisse), en 1927…Le 3 janvier 1921, il avait noté : « Le socialiste, l’esthète, le moine : tous les trois s’accordent sur le fait qu’il faille laisser aller la culture bourgeoise moderne à son déclin. Et c’est des trois que proviendront les éléments nouveaux du nouvel idéal.»
©Jean-Pierre Bobillot http://www.paperblog.fr/465671/hugo-ball/