dimanche 28 février 2010

PICABIA : DEUX MANIFESTES DADA DU PRINTEMPS 1920 À PARIS





Manifeste DADA

Les cubistes veulent couvrir Dada de neige : ça vous étonne mais c'est ainsi, ils veulent vider la neige de leur pipe pour recouvrir Dada.
Tu en es sûr ?
Parfaitement, les faits sont révélés par des bouches grotesques.
Ils pensent que Dada peut les empêcher de pratiquer ce commerce odieux :
Vendre de l'art très cher.
L'art vaut plus cher que le saucisson, plus cher que les femmes, plus cher que tout.
L'art est visible comme Dieu ! (voir Saint-Sulpice).
L'art est un produit parmaceutique pour imbéciles.
Les tables tournent grâce à l'esprit ; les tableaux et autres œuvres d'art sont comme les tables coffres-forts, l'esprit est dedans et devient de plus en plus génial suivant les prix de salles de ventes
Comédie, comédie, comédie, comédie, comédie, mes chers amis.
Les marchands n'aiment pas la peinture, ils connaissent le mystère de l'esprit...........
Achetez les reproductions des autographes.
Ne soyez donc pas snobs, vous ne serez pas moins intelligents parce que le voisin possèdera une chose semblable à la vôtre.
Plus de chiures de mouches sur les murs.
Il y en aura tout de même, c'est évident, mais un peu moins.
DADA bien certainement va être de plus en plus détesté, son coupe-file lui permettant de couper les processions en chantant « Viens Poupoule », quel sacrilège !!!
Le cubisme représente la disette des idées.
Ils ont cubé les tableaux des primitifs, et les sculptures nègres, cubé les violons, cubé les guitares, cubé les journaux illustrés, cubé la merde et les profils de jeunes filles, maintenant il faut cuber l'argent !!!
DADa, lui, ne veut rien, rien, rien, il fait quelque chose pour qu le public dise : « nous ne comprenons rien, rien, rien ».
« Les Dadaïstes ne sont rien, rien, rien, bien certainement ils n'arriveront à rien, rien, rien ».
Francis PICABIA qui ne sait rien, rien, rien.

Francis PICABIA, Manifeste DADA, lu au Salon des Independants, Grand-Palais des Champs Elysées, 5 février 1920



Manifeste CANNIBALE DADA

Tous êtes accusés ; levez-vous. L'orateur ne peut vous parler que si vous êtes debout.
Debout comme pour la Marseillaise,
debout comme pour l'hymne russe,
debout comme pour le God save the King,
debout comme devant le drapeau
Enfin debout devant DADA qui représente la vie et qui vous accusede tout aimer par snobisme du moment que cela coûte cher
Vous vous êtes tous rassis ? Tant mieux, comme cela vous allez m'écouteravec plus d'attention.
Que faites-vous ici, parqués comme des huîtres sérieuses - car vous êtes sérieux, n'est-ce pas ?Sérieux, sérieux, sérieux jusqu'à la mort.
La mort est une chose sérieuse, hein ?
On meurt en héros ou en idiot, ce qui est la même chose.
Le seul mot qui ne soit pas éphémère c'est le mot mort. Vous aimez la mort pour les autres.
A mort, à mort, à mort.
Il n'y a que l'argent qui ne meure pas, il part seulement en voyage.
C'est le Dieu, celui qu'on respecte, le personnage sérieux - argent respect des familles. Honneur, honneur de l'argent ; l'homme qui a de l'argent est un homme honorable.
L'honneur s'achète et se vend comme le oui. Le cul, le cul représente la vie représente la vie comme les pommes frites, et vous tous qui êtes sérieux, vous sentirez plus mauvais que la merde de vache.
DADA lui ne sent rien, il n'est rien, rien, rien.
Il est comme vos espoirs : rien
comme vos paradis : rien
comme vos idoles : rien
comme vos hommes politiques : rien
comme vos héros : rien
comme vos artistes : rien
comme vos religions : rien
Sifflez, criez, cassez-moi la gueule et puis et puis ? Je vous dirai encore que vous êtes tous des poires. Dans trois mois, nous vous vendrons, mes amis et moi, nos tableaux pour quelques francs.

Francis PICABIA. Manifeste CANNIBALE DADA

lu par André BRETON à la Troisième Soirée Dada au Théâtre de la Maison de l'Oeuvre, Paris, le 27 mars 1920.

Publié dans Dada n°7 - DADAphone , Paris, mars 1920

dans Der Dada, numéro 3, Berlin, avril 1920

& dans l'Almanach Dada, Berlin, juin 1920