MAN RAY.
The Rope Dancer Accompanies Herself with Her Shadows, 1916. New York, The Museum of Modern Art
MAN RAY.
Marcel Duchamp with Water Mill Within Glider, 1917
Pionnier, avec Marcel Duchamp et Picabia, du mouvement le plus radical de l'art moderne qui, de Dada au surréalisme, traverse jusqu'à notre époque tout le champ des arts visuels, Man Ray a largement contribué, par son œuvre polymorphe : tableaux, objets, assemblages, photographies et films, à élargir l'horizon et la conscience des peintres. De son nom Emmanuel Rudnitsky, dont il a tiré les deux syllabes solaires de son célèbre pseudonyme, il avait découvert Cézanne, les masques africains et Brancusi dès 1911, à la galerie d'Alfred Stieglitz à New York, avant de voir les œuvres de Duchamp et de Picabia à l'Armory Show de 1913, et de rencontrer Duchamp en personne en 1915, puis Picabia. Mais c'est à travers Adon Lacroix, une femme singulière, poète, admiratrice de Rimbaud, Lautréamont et Apollinaire, que Man Ray a pris la mesure poétique de la révolution de l'art moderne. Il avait passé sa jeunesse à Brooklyn, et fréquenté le « Ferrer Center », qui fonctionnait à New York selon les principes de l'éducateur anarchiste catalan Francisco Ferrer Guardia (« tout y était gratuit [les cours de dessin, d'aquarelle], même l'amour »). Formation anarchiste déterminante, puisqu'elle le libéra très tôt du respect des valeurs établies, désacralisa à ses yeux les techniques d'expression traditionnelles et l'encouragea à ne suivre que sa propre nécessité individuelle dans toutes ses innovations. Refusant toute hiérarchie entre la peinture et la photographie, il considérait la caméra et le pinceau comme des instruments équivalents à ce qu'est la machine à écrire pour un écrivain. Aussi a-t-il apporté la même marque d'originalité à son œuvre de photographe et de cinéaste qu'à son œuvre de peintre ou d'assembleur d'objets. Il a raconté les circonstances de son aventure dans un livre : Autoportrait, qui, s'il ne suffit pas à tout saisir d'un homme difficile à cerner, éclaire sa personnalité et son œuvre à la lumière d'un humour paradoxal, mélange de sérieux et d'indépendance sereine à l'égard de tout jugement.
Avant de débarquer à Paris le 14 juillet 1921, Man Ray avait déjà accompli aux États-Unis des œuvres décisives, sans précédent dans son pays. Sa formation de dessinateur industriel, qui le prédisposait à devenir ingénieur ou architecte, l'incitait, en tant que peintre, à utiliser des outils de précision : la composition et le dessin de son tableau, La Danseuse de corde s'accompagnant de ses ombres, de 1916, ont été préparés à l'aide de papiers découpés. Contrairement aux futuristes, Man Ray y évoque le mouvement avec la froideur d'un géomètre, et les aplats de couleur y devancent non seulement les papiers découpés de Matisse, mais l'abstraction géométrique. Transmutation, un collage réalisé la même année que la naissance de Dada à Zurich (1916), bafoue l'esthétique des papiers collés cubistes en utilisant comme fond la page entière d'un journal, sur laquelle sont peintes des lettres, des chiffres disposés au hasard autour du mot « Theatr ». Comme Duchamp, Man Ray n'avait pas attendu l'irruption de Dada en Europe pour détourner les formes mêmes des avant-gardes reconnues de l'époque ; la petite revue The Ridgefield Gazook no 0 (31 mars 1915), qu'il a publiée dans la communauté anarcho-artistique de Ridgefield où il vivait alors avec Adon Lacroix, devance même les publications dada. En 1917, en enserrant des planchettes de bois dans un étau et en les intitulant New York, il transforme le « ready-made » duchampien en sculpture ; le tirage qui en a été fait en bronze un demi-siècle plus tard a magnifié ses qualités plastiques, de même que celui de deux objets de 1918 : By itself I et II, dont le caractère énigmatique n'a fait que s'accentuer avec le temps. Avec son Self-portrait de 1916, où deux sonnettes électriques remplaçaient les yeux, l'empreinte de sa main la signature, et où il a apposé de surcroît un bouton de sonnerie qui ne fonctionnait pas, Man Ray avait abattu son premier atout : l'humour iconoclaste. Mais cette volonté de démythification de l'art, qui l'a entraîné à utiliser des procédés « non artistiques », ne l'empêchait aucunement d'accomplir de belles œuvres, qui sont simplement très en avance sur le goût de son temps. Ses peintures à l'aérographe : Suicide, The Rope Dancer (1917), La Volière, Admiration of the Orchestrelle for the Cinematograph, Seguidilla, Jazz et Hermaphrodite (1919), indifféremment abstraites ou figuratives, créent des espaces aériens, où la gouache pulvérisée rappelle certains effets photographiques. La réalité en est comme gommée, au bénéfice d'un « pur acte cérébral ».
Premières expérimentations qui pouvaient donner à Man Ray, arrivant à Paris sur le conseil de Duchamp, l'espoir de s'y faire connaître et reconnaître comme peintre. Mais Man Ray avait déjà réalisé à New York un certain nombre de photographies très originales, autour de l'œuvre et de la personnalité de Duchamp, ainsi que des autoportraits. Élevage de poussière, la plus mémorable de ces photos, exécutée en 1920, révèle de tout près le travail minutieux qu'accomplissait alors son ami Marcel Duchamp sur son « Grand Verre » : la poussière accumulée sur le verre, distribuée autour du dessin de la « machine célibataire », que la mise à l'horizontale change en une sorte de paysage technologique vu de très haut, y ajoute la dimension poétique d'une exploration lunaire. Prise à la banale lumière d'une ampoule électrique, elle doit sa précision au long temps d'exposition auquel Man Ray l'a soumise pendant le dîner qu'il fit ce soir-là avec Duchamp dans un restaurant voisin de l'atelier. Mais sa réputation de magicien de la photographie, qui pouvait faire des merveilles avec les appareils les plus rudimentaires, supplanta rapidement à Paris sa réputation de peintre d'avant-garde, et l'on prit l'habitude, assez légère, de négliger la seconde au profit de la première. Privé d'argent, et ayant rencontré Kiki de Montparnasse, avec laquelle Man Ray partagea sa vie pendant sept ans, il survécut à Paris grâce aux portraits photographiques et aux photos de mode qui lui furent commandées notamment par Paul Poiret. Une œuvre considérable en est née : tous les grands artistes et écrivains, européens et américains, qui vivaient ou passaient à Montparnasse ont acquis leur figure emblématique définitive dans l'oculaire de Man Ray. Non seulement Duchamp, le premier d'entre eux, photographié à côté de sa Rotative demi-sphère en 1920 à New York, ou jouant aux échecs sur les toits de Paris en 1924, mais Kiki elle-même, coiffée d'une voilette à ravir, offensivement nue, ou la tête posée à côté d'un masque africain (Blanche et noire, 1926), tous les surréalistes rassemblés pour la revue La Révolution surréaliste (1924), après le groupe dada de Paris (1922), et André Breton en profil romain de médaille, Antonin Artaud en acteur romantique, Philippe Soupault torse nu, la canne sous le bras, Tristan Tzara baisant la main de Nancy Cunard, Jean Cocteau aux gants tricotés, Aragon en jeune dandy inspiré, Paul Eluard auréolé d'une lampe, Pascin le chapeau melon sur l'oreille, Yves Tanguy aux cheveux hirsutes, Picasso, en imperméable devant un cendrier, Jacques Rigaut couché à terre, Brancusi son chien sur les genoux, Max Ernst, André Derain, Fernand Léger, Erik Satie, mais aussi toutes les belles femmes créatrices et indépendantes de l'époque : Dora Maar, Jacqueline Goddard, Lee Miller, Yvonne George, Iris Tree, Nush Eluard, et surtout Meret Oppenheim, photographiée à côté d'une presse à bras, nue et provocante, la paume et l'avant-bras enduits de graisse noire, « vierge » ambiguë maculée par la machine. Et puis tous les paysages de Paris, de nuit et de jour, vu par cet œil qui tient du réalisme documentaire d'Eugène Atget, qu'il a sorti de l'anonymat, et du surréalisme de René Magritte : la constellation de la pluie sur les trottoirs, une Parisienne avec son caniche devant une pissotière, la trace des chambres et des cheminées démolies au côté d'un immeuble, les marchandises bâchées le long de la Seine, des amoureux à la fenêtre du vieil hôtel « Au château tremblant ».
Deux innovations techniques importantes vont élargir le champ de son œuvre photographique : la rayographie (procédé déjà expérimenté par Christian Schad et par László Moholy-Nagy), que Man Ray mit au point à partir d'une erreur de manipulation dans sa chambre d'hôtel en 1922 (il avait glissé par mégarde une feuille de papier sensible dans le bain du révélateur alors que la lumière était allumée) : un verre gradué et un thermomètre s'y imprimèrent spontanément. Ainsi, des compositions d'une beauté spectrale, obtenues sans pellicule ni caméra, aussi uniques et originales que des dessins, que Tzara, alors son voisin d'hôtel, baptisa aussitôt rayographies, compensèrent par leur potentiel de surprise les contraintes subalternes du « métier » de photographe professionnel. De même, en 1930, au moment de tirer un portrait de Lee Miller, Man Ray eut l'idée d'utiliser le cerne noir et les forts contrastes provoqués par la surexposition : autre « erreur » technique, ainsi transformée en moyen d'expression plastique original. La solarisation ne procède pas d'une parodie mimétique de la peinture, comme le fut le pictorialisme, mais de la réinvention de la photographie par un peintre et, ainsi, de l'intégration de la photographie à la peinture, où elle n'a plus honte d'elle-même pour remplir le rôle d'Ingres en même temps, que celui de Nadar.
C'est par ses objets, ses assemblages, que Man Ray a atteint - à partir de l'Abat-jour de 1919, simple feuille de métal suspendue en spirale, la dimension obsessionnelle et mythique sans laquelle tout ne serait chez lui que démonstration anarchique du « tout est possible à partir de rien ». Son Cadeau de 1921, un fer à repasser, dont la semelle est hérissée de clous, son Objet à détruire de 1923 (rebaptisé Objet indestructible en 1957), un métronome dont le balancier est paré de la photo d'un œil de femme, L'Énigme d'Isidore Ducasse, un empaquetage, en couverture et ficelle, d'une probable machine à coudre et d'un possible parapluie, et le plus mystérieux peut-être, Emak Bakia vieilli, une crosse de violon ornée d'une touffe de crin : « Tant de créations remarquables », dit Sarane Alexandrian, « nées pour corriger les mœurs tout en déconcertant les raisonnements pragmatiques ou en bafouant les prétentions arrogantes ». Aussi, Man Ray était tout désigné pour concevoir et imposer universellement le Portrait imaginaire de D.A.F. de Sade (1938), superbe figure monumentale en pierres, de profil devant une Bastille qu'on commence à incendier : deux ans avant le moment où il fut obligé de quitter Paris pour échapper à l'occupation nazie. Il passera toute la guerre à Hollywood, où il a photographié les vedettes, épousé Juliet Browner et commencé à faire connaître son œuvre dans les musées américains et à San Francisco, Santa Barbara, Pasadena, Los Angeles et au Whitney Museum de New York, où il participa en 1946 à l'exposition Pioneers of Modern Art in America. Revenu à Paris en 1951, il s'installe rue Férou et expose quelques-unes de ses 22 Équations shakespeariennes (ou 22 non-abstractions) de 1948, à propos desquelles il écrivit une lettre ouverte à André Breton qui avait préfacé ses deux livres : Photographies 1929-1934 (1934) et La photographie n'est pas l'art (1937). Entrelaçant sans cesse peintures, objets et photographies, passant de l'image semi-onirique, comme le très célèbre À l'heure de l'Observatoire, les amoureux (1932-1934) et Soleil de nuit (1943), à des illustrations très libres de Sade : Aline et Valcour (1950), comme à des toiles où il réinvente à partir du spectre solaire ses abstractions et ses collages de l'époque de ses peintures à l'aérographe (Revolving Doors, 1972), Man Ray ne cesse de se divertir de lui-même, de jouer de ses propres thèmes, de biaiser avec tous les genres, toutes les définitions, et, comme le dit André Breton, de maintenir le cap d'un « naufrageur du prévu ». Quelques-unes des œuvres que personne ne voulait acquérir et qu'il offrait à ses amis pendant les années vingt ont fini par atteindre des prix exorbitants, et certaines de ses photos, comme le dos de Kiki intitulé Violon d'Ingres prise à la suite d'une petite dispute avec elle, demeureront comme les Joconde du XXe siècle. Les films qu'il a réalisés : Le Retour à la raison (1923), Emak Bakia (1926), L'Étoile de mer (1928) et Les Mystères du château du dé (1929), accomplis à l'écart de l'industrie, avec les moyens du bord, sont tous fidèles (jusque dans l'érotisme) à cette liberté absolue de décision qui fut sa seule raison de vivre et de créer. En supprimant une scène où Kiki se déshabillait, bien que Man Ray l'ait filmée à travers un objectif brouillé par de la gélatine, ou un sous-titre de Desnos, tel il faut battre les morts quand ils sont froids, comme les bureaux de la Censure l'ont exigé avant la projection publique de L'Étoile de mer, les réactionnaires ne comprenaient pas qu'ils contribuaient à faire de toute l'œuvre de Man Ray une forme exemplaire du dissensus individuel pur. En puisant aujourd'hui dans cette œuvre, chacun peut y trouver un stimulant de singularité pour triompher d'un nouveau « totalitarisme » : le consensus de la médiocrité.
Alain JOUFFROY. « MAN RAY », Encyclopaedia Universalis
Écrits de Man Ray
Autoportrait, Laffont, Paris, 1964 ;
« Sur le réalisme photographique », in Cahiers d'art, X, no 5-6, Paris, 1935 ;
La photographie n'est pas l'art, Préf. A. Breton, G.L.M., Paris, 1937 ;
« La Photographie qui console », in XXe Siècle, I, no 2, Paris, 1938 ;
« Tous les films que j'ai réalisés », in Études cinématographiques, no 38-39, Paris, 1965 ;
Les Invendables, catal. expos., galerie A. Chave, Vence, 1969.
Écrits sur Man Ray
T. TZARA, La Photographie à l'envers, Préface aux Champs délicieux de Man Ray, Paris, 1922
G. RIBEMONT-DESSAIGNES, Man Ray, coll. Peintres nouveaux, Gallimard, Paris, 1924
A. BRETON, P. ELUARD, R. SÉLAVY (M. DUCHAMP), T. TZARA, textes pour Man Ray/Photographies/1920-1934, éd. James Thrall Soby, Cahiers d'art, Paris, Random House, New York, 1934
A. JOUFFROY, « Man Ray devant les femmes », in XXe Siècle, no 35, Paris, 1970 ; « Introduction au génie de Man Ray », in Man Ray, catal. expos. musée Boymans van Beuningen de Rotterdam, 1971, et au Musée national d'art moderne, Paris, 1972
P. BOURGEADE, Bonsoir, Man Ray, Belfond, Paris, 1972
JANUS, Man Ray, Hachette-Fabbri, Paris-Milan, 1973
S. ALEXANDRIAN, Man Ray, Filipacchi, Paris, 1973
L. ANSELMINO & B. M. PILAT, Man Ray. Opera grafica, 2 vol., Studio Marconi, Milan, 1973-1984
R. PENROSE, Man Ray, Chêne, Paris, 1975
A. SCHWARZ, Man Ray, The Rigour of Imagination, Thames & Hudson, Londres, 1977
J.-H. MARTIN et al., Man Ray photographe, catal. expos. Centre Georges-Pompidou, P. Sers, Paris, 1981
M. FORESTA et al., Man Ray, Gallimard, Paris, 1989
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Man Ray. Born Emmanuel Radnitsky, on August 27, 1890, in Philadelphia, the first of four children of Melach Radnitsky, a tailor, and Manya Louria (or Lourie), both Russian-Jewish immigrants. He assumed the single combined first and last name of Man Ray when his entire family adopted the surname Ray in 1911. The family moved to Brooklyn, New York, in 1897, where Man Ray, with family encouragement, early manifested his enduring fascination with gadgets, objects, and inventions as well as with art. While attending Boys' High School from 1904 to 1908, Man Ray's passion for art grew, initially in visits to the New York museums and later when he saw the first modern works shown in the city, in 1908. Graduating from high school in 1908 with a determination to become an artist, he daringly refused a scholarship to study architecture. After two brief and unsatisfactory stints at more established art schools, with Alfred Stieglitz's encouragement and then with the mentorship of Robert Henri at the life drawing sessions at the anarchist Ferrer School, Man Ray became a largely self-taught artist. Establishing a lifelong pattern, he improvised, sometimes copied, more often invented, and constantly learned from his friends. Man Ray, particularly inspired by the cubist works at the Armory Show of 1913, absorbed the iconoclasm of the young poets, radicals, and artists then giving a new flavor to New York life. That year he moved out of the family home first to Manhattan and then to a little cottage in an artists' colony in Ridgefield, New Jersey. In these years he painted a series of cubist canvases, coedited an avant-garde journal (its one issue included poetry by Ezra Pound and William Carlos Williams), wrote and self-published poetry, and drew antiwar political cartoons for Emma Goldman's Mother Earth News. In May 1914 he married Adon Lacroix, a Belgian-born, French-speaking poet; they had no children. In 1915, at his first one-person show at the Daniel Gallery in Manhattan, an important collector bought six of his cubist paintings, providing both the money and the incentive for him to rent a studio in New York City. Man Ray also bought a camera, chiefly to document his own art works. At this time he met Marcel Duchamp, who became his closest friend and strongest artistic influence. In the next five years, Man Ray largely moved away from conventional painting to other media--collage, photography, the assemblages from found materials, and aerographs--creating a rich variety of works that demonstrate, despite the marks of Duchamp's influence, a formed artistic style. The Rope Dancer Accompanies Herself with Her Shadows (1916), influenced by Duchamp's then unfinished assemblage The Bride Stripped Bare by Her Bachelors, Even (19151923) and painted from a collage, illustrates the multiple media and influences that became a fixed part of his style. The Revolving Doors (1916-1917), a series of ten collages accompanied by a text, rendered mysterious Man Ray's developing theories of art by creating deliberate confusion between abstraction and representation. Self-Portrait (1916) was his first publicly exhibited proto-dada object, a canvas with two doorbells and buzzer that frustrated viewers by not ringing when pressed. He painted Suicide (1917) with a commercial airbrush--a "pure cerebral activity," he asserted, since the artist never touched the work's surface. And he created his first photographic images. Portraits and reproductions of works of art brought him a living without trudging to an office. He experimented with puns, whimsies, shadows, and symbols, such as the eggbeater and its shadow that became the photograph titled Man (1918) and the flashbulb reflectors, six clothespins, and shadow that became Woman (or Shadow) (1918), both suggestive of Duchamp's "ready-mades." The New York art world provided Man Ray with stimulating companions, but efforts to create a climate for modernism and dada in the city failed, and he found no buyers for his newer, less inhibited work. In about 1918 he and his wife separated, although they did not divorce until 1937. His marriage having collapsed, Man Ray burned a number of his older works, borrowed $500, and set off to Paris in July 1921. Paris both rewarded and disappointed him. Welcomed by the Dadaists as a precursor, he fell immediately into their social scene. His first show, under dada auspices, however, proved that Paris also offered no market for his paintings. But commissions for portrait and fashion photography soon assured him a livelihood and allowed him to create images that established his reputation as a master photographer. While Man Ray never quite overcame his prejudice that photography rated below painting as an art form, he, in fact, maintained his avant-garde reputation in large part through the invention, or more strictly the reinvention (since Fox Talbot had done them in the 1830's) of the photogram, the cameraless photograph created by placing objects on photosensitive paper and exposing them to light. With his rayographs, as Man Ray called them, he had, said writer Jean Cocteau, unlearned painting by making "paintings with light." To Tristan Tzara, a leader in the dada movement, he had transformed a machine-age art from mechanical to mysterious: common objects were "set, softened, and filtered like a head of hair through a comb of light." He further removed photography from any suspicion that it offered an objective rendering of the world by perfecting solarization, which created demarcating lines around images by controlled introduction of light during the developing process. Man Ray's reputation among French artists as well as in the fashion industry grew even as American critics, dubious about photography as art, viewed him as an illusionist, a trickster, and an entrepreneur. His success, however, was undeniable. The subjects of his portraits included Georges Braque, Pablo Picasso, Henri Matisse, Gertrude Stein, Francis Poulenc, and Ernest Hemingway in the arts as well as such social notables as Nancy Cunard and the Marquise Casati, whose double-exposed face with two pairs of eyes both pleased its subject and became a surrealist icon. His several experimental films commanded enthusiastic audiences among the Paris literati and remain a subject for scholars of the film. His images of women--nudes, faces, complex distortions, punning surreal compositions, such as the famous Le Violon d'Ingres (1924) with its violin F-shaped sound holes on his model's naked back--remain among his most influential works. His art appeared frequently both in exhibitions and in various magazines, ranging from avant-garde publications to Vogue and Harper's Bazaar. Man Ray earned a good living and generally enjoyed his expatriate life in the Paris art community. His liaison with beautiful women, particularly Kiki, a nightclub singer and painters' model known as "Queen of Montparnasse," and Lee Miller, the famous model and photographer, inspired major works. His best-known painting of the Paris years, Observatory Time-- The Lovers (19321934) (also known as The Lips), began with a photograph of Kiki's lips and emerged years later as a giant vision of Miller's lips floating in the sky over Paris. By the time World War II forced Man Ray to return to the United States in 1940, he had become a major figure in international art: a leading modernist photographer with a vast body of work, an occasional painter of notable surrealist images, an indefatigable creator of surrealist objects, and a pioneer in making fashion photography adventuresome. The return to the United States, where Man Ray had never gained acceptance as an artist, was difficult. He stayed only briefly in New York City, largely avoiding the art world, and soon migrated to Los Angeles. There, in the "beautiful prison" of California, as he described it, he found respect as a pioneer of modernism, opportunities to paint and to exhibit his work, and a few admirers who bought enough of his work to keep him going. He also met Juliet Browner, a dancer; they were married on October 24, 1946. They had no children. Man Ray was never fully comfortable in Hollywood, never felt the respect for his calling as a dedicated iconoclastic artist that had always consoled him in Paris, and was never financially secure. In March 1951 the Man Rays sailed for France. During the next quarter century Man Ray continued to paint, to make objects, to commission replicas of his objects ("To create is divine," he wrote. "To reproduce is human."), to write--including an autobiography, Self Portrait, in 1963, and to cooperate in the monumental exhibitions of his work mounted with increasing frequency as his reputation as a creator of the modern style continued to grow. His place in art history was secured in the 1960's as dadaesque objects again flourished and photographic images gained acceptance as works of art. Major exhibitions in Paris in 1962, in Los Angeles in 1966, in Rotterdam in 1971, in Paris in 1972, and in New York in 1974 demonstrated renewed appreciation of his lengthy career. He died in his studio in Paris. Man Ray never achieved the reputation as a painter to which he aspired, could never accept with grace his seminal role in the history of photography, and always longed for an acceptance by American art critics that he never quite achieved in his lifetime. Nonetheless, his place in twentieth-century art continued to grow after his death. The National Museum of American Art mounted Perpetual Motif: The Art of Man Ray in 1988, a retrospective exhibition that traveled to Los Angeles, Houston, and Philadelphia during the next two years. The French government in the early 1990's constructed a replica of his studio in the Pompidou Center as a monument to the American whom France has adopted as one of its national treasures. William Copley, one of his patrons, termed him "the Dada of us all." He brought together an astonishing number of the characteristics that have been labeled "postmodern" in the art made in the years since his death. He created objects only to photograph them; he dissolved the line between unique and reproducible objects; he pioneered manipulated and cameraless photography; he veered from medium to medium; he incorporated machine-made and artist-crafted objects into hybrids; he rejected craft and technique for concept and idea; he combined words and images in startling and humorous juxtapositions; he was a cheerful surrealist, a nonideological dadaist, a tinker and inventor, an American and a European, a conjurer of dreams but usually not of nightmares. He sought to "amuse, bewilder, annoy, and inspire" rather than to shock--or to confront the full terrors of the twentieth-century world.
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